Soulignons tout d'abord que, malgré ce changement important, l’émission au nom on ne peut plus masculin a néanmoins gardé le même titre qu’auparavant, alors que, disons-le, les possibilités étaient pourtant immenses : Deux hommes et une (très jeune) femme en or, Deux hommes en or (et une fille dans le corridor), Deux hommes en or et une fille à côté, ou encore, Deux hommes en or+ (vous savez, comme l’édition numérique du journal La Presse que les pauvres ne peuvent pas lire, faute d’avoir une maudite tablette). Bref, une belle occasion ratée.
En revanche, saluons la disparition des titres et des étiquettes ridicules (à connotation sexuelle, faisant sans doute référence au film érotique québécois des années 70 Deux femmes en or) qui coiffaient auparavant les différents segments comme « À deux, c’est mieux », « Trip à trois », « Chéri(e), viens voir ça », etc. C’est fini, les niaiseries. Tout cela a été remplacé par une nomenclature beaucoup plus claire, sérieuse et convenue : « entrevue » et (oui, oui) « Rosalie ».
Car Rosalie a son segment à elle. Car Rosalie n’est pas une animatrice à part entière dans cette émission, mais bien une collaboratrice. Et même « authentique » et « impétueuse », et même si elle semble intelligente et dégourdie pour son très jeune âge, la jeune femme n’a pas le droit, elle, de mener de front des entrevues. Ça, ça demeure la job des gars, des boys en or, de mener avec « l’aplomb, la pertinence et l’humour qu’on leur connaît », des « entrevues éclairantes avec des personnalités de tous les horizons qui auront marqué l’actualité. »
Et le segment à Rosalie ressemble effectivement à celui d'une très jeune femme qui explique aux deux bonhommes – l’un pourrait être son père, l’autre son mononcle –, un vendredi soir en rentrant de l’école, ce qu'il se passe dans le monde des jeunes afin de déniaiser les deux messieurs qui ne la prennent pas trop au sérieux.
Si les deux mecs en question avaient le même respect et la même écoute qu’ils ont habituellement envers leurs invités (prenons entre autres exemples en présence de Marie-Claude Barrette – oh boy !), on prendrait alors acte d’un ajout substantiel à l’émission. On soulignerait en effet l’importance et la pertinence d’ajouter une femme à une « émission d’hommes ». Mais malheureusement, à date, ce n’est pas le cas.
Non seulement la pauvre Rosalie (qui n’a pas la tâche facile dans ce contexte et ce n’est pas sa faute à elle) cherche clairement sa place, tant dans les coulisses que sur le bord de la table, mais le décalage entre le pouvoir réel et l’expérience des deux hommes « en or » sur leur plateau et celui de la fifille qui arrive dans le jeu de quilles est énorme.
Lorsqu’une femme d'expérience pourra mener avec aplomb des « entrevues éclairantes avec des personnalités de tous les horizons qui auront marqué l’actualité » dans cette émission, on criera alors victoire. D’ici là, ça ressemble plutôt à une autre de ces innombrables et imbuvables émissions de radio et de télévision remplies de boys clubs : on regarde la femme mais ce sont (encore) les hommes qui mènent le bal (TV: Pitch féministe).
Bienvenue quand même au XXIe siècle tout le monde, et bon courage à Rosalie.