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Les Grands Ballets canadiens et la guerre commerciale américaine


La guerre commerciale « made in USA » est commencée. De toutes parts, on nous invite à boycotter les produits et les services américains. Quoi ? Vous songiez aller en vacances aux États-Unis cette année ? Oubliez ça ! Il faut dépenser son argent au Canada, mieux encore, au Québec.

Dans ce contexte, on nous appelle également à boycotter Amazon (et autres GAFAM de ce monde) ainsi que Netflix, Disney, le jus d’orange, le ketchup, le papier de toilette, etc. – nommez-les, les produits américains –, en nous proposant, et ce un peu partout dans les médias québécois, des équivalents en produits canadiens afin de contrer la menace américaine qui cherche ni plus ni moins à nous affaiblir pour ensuite nous annexer.

Les Américains sont parmi nous 

Pourtant, les Américains sont en ville depuis longtemps. Depuis 2013, en effet, les Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) offrent une formation américaine (in English, mind you, et à prix très fort qui plus est) sur notre territoire, le Québec. 

Cette supercherie d’autofinancement est non seulement un raccourci intellectuel, académique et professionnel, mais aussi une formation bidon puisque, dans les faits, celle-ci ne mène à aucune accréditation, aucune reconnaissance professionnelle. Offerte par les GBCM au sein même de leur pseudo « Centre "national" de danse-thérapie » à Montréal, cette formation est possible grâce à leur partenariat commercial avec une école privée américaine, le (très coûteux) 92nd Street Y Harkness Dance Centre de New York. 

En collaboration avec l’Association américaine de danse-thérapie (American Dance Therapy Association ; ADTA), les Grands Ballets ont ainsi ouvert une voie insidieuse, appelée Voie Alternative, un cul-de-sac en réalité, qui consiste à faire reconnaître sa formation universitaire par une association américaine afin de pratiquer… au Québec. Ce faisant, ce sont des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars canadiens qui vont directement dans les poches américaines sous formes de frais de scolarité, de formations, de supervision, de cours continus et autres frais divers (dossiers, inscriptions, assurances professionnelles, etc.) 

C’est là un non-sens qui existe depuis 2013, une supercherie des GBCM que je critique vertement, criant seule dans le désert depuis 2012, mais qu’importe. 

Et aujourd’hui, face aux hostilités et aux menaces très frontales de notre voisin du Sud, cette formation américaine semble encore plus choquante et ridicule que jamais, une insulte de plus à notre intelligence, à notre autonomie professionnelle de même qu’à notre indépendance académique et économique. 

Ainsi donc, si vous le permettez, Madame la Présidente, ma question est la suivante : dans ce contexte de guerre économique et de menace d’annexion provenant des États-Unis, les Grands Ballets canadiens de Montréal vont-ils, oui ou non, mettre fin à ce partenariat commercial avec le 92nd Street Y Harkness Dance Centre et l’ADTA (American Dance Therapy Association) et cesser d’offrir une fois pour toutes cette formation américaine (bidon, Madame la Présidente, j’insiste) sur le territoire québécois ? 

Car, dans la vraie réalité (et non celle alternative), quelle profession au Québec doit faire approuver sa formation universitaire par une association professionnelle étrangère, en l’occurrence américaine, pour pratiquer au Québec en français ? 

Faut-il aussi boycotter les Grands Ballets canadiens de Montréal ? 

*** 

NON à l'américanisation de la danse-thérapie au Québec


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