Passer au contenu principal

La pauvreté, cette prison (2)


Cela m’a frappée comme un quatre par quatre qui t’arrive en pleine face : Monsieur Richard Martineau qui parle de pauvreté ! (Lire L’autre pandémie qu’il faudrait aussi combattre, Journal de Montréal, 10 mars 2021)

« N’est-ce pas ce que les pauvres ressentent à longueur d’année ? D’être séparés du monde ? », se questionne le chroniqueur vedette qui se sent « comme un enfant pauvre qui regarde des pâtisseries succulentes dans la vitrine d’une boulangerie, le nez collé sur la vitre, les poches vides » en voyant ses amis s’amuser en zone orange. 

« Oui monsieur !, lui ai-je envoyé. Bienvenue dans notre minable réalité. »

La pauvreté est effectivement un très long et lourd confinement - La pauvreté, cette prison (Le Devoir, 14 août 2019).

Et maintenant, vous comprenez. Car maintenant vous ressentez enfin, chers riches, privilégiés et parvenus, ce que cela implique de vivre, mieux dit, de survivre, dans un monde misérable rempli de restrictions, dans un confinement quasi-permanent, la vie en noir et blanc, un train moche qui ne mène nulle part, la tête dans l’ennui et le brouillard grisâtre, de même que l’impact direct et brutal sur le moral. Bienvenue dans l'« écosystème » des pauvres. 

Soulignons par ailleurs que, durant cette pandémie, ce confinement et ces nombreuses restrictions sont accompagnés de compréhension, de bienveillance, d’aide gouvernementale et financière, de soutien moral et d’encouragement direct de notre premier ministre du Québec, tout le monde étant pleinement conscient que la situation est particulièrement pénible et « di’icile » à supporter, tandis que nous autres, les pauvres, sommes perpétuellement soumis au mépris des gens, de simples citoyens pour qui les affaires vont très très bien. Le mépris, chers amis, le mépris. 

En temps normal, personne ne vient nous dire, à nous, que « ça va bien aller », qu'on va finir par s'en sortir, que l’on voit enfin « la lumière apparaître au bout du tunnel ». Personne ne nous encourage à tenir le coup, à garder le moral, à demander de l’aide, car il n’y en a pas, pour les pauvres, le véritable filet social ayant été sabré durant toutes ces années d’austérité. 

Avez-vous choisi cette pandémie, vous ? Avez-vous souhaité qu’un coronavirus vienne miner votre vie ? Non. Jamais de la vie. Même chose pour la pauvreté. Personne ne désire survivre dans la misère financière, l’aide alimentaire, le confinement et les restrictions budgétaires. Personne n’aime avoir faim tout en observant de près ce délirant gaspillage alimentaire, ou en écoutant les complaintes et lamentations d'un richissime couple princier. Petite misère.

Oui, la pauvreté est l’autre pandémie à combattre. Mais aussitôt que notre région sera sortie du rouge et que tout ce beau monde ira enfin au resto, tout le monde aura oublié le fléau de la pauvreté, le train plate de la misère, et M. Martineau s’amusera sans doute, lui aussi, de nouveau. 

***
Sur le même thème moche de la pauvreté… 
La pauvreté télévisuelle (Le Devoir, 18 fév. 2021) 
La pauvreté, cette prison (Le Devoir, 14 août 2019)
Au diable votre panier de Noël ! (La Presse, 8 déc. 2018) 

Messages les plus consultés de ce blogue

Le Prince et l’Ogre, le mauvais procès

Poursuivi en justice pour des agressions sexuelles et des viols qu’il aurait commis à l’endroit de plusieurs femmes, un homme connu du grand public subit un procès. Dans le cadre de ces procédures, des témoins défilent à la barre. Parmi ceux-ci, des amis de longue date, des proches, des collègues et d’anciens collaborateurs venus témoigner en faveur de l’accusé. Tous soulignent sa belle personnalité, le grand homme qu’il a toujours été. Ils le connaissent bien ; cet homme n’est pas un agresseur. Au contraire, il a toujours joui d’une excellente réputation.  C’est un homme « charmant, courtois, poli et respectable » tant envers les hommes que les femmes, répéteront-ils. Il est « un peu flirt », certes, « comme bien d’autres ». Mais personne n’a souvenir qu’on ait parlé en mal de lui. Jamais. Parfois, il est vrai, il a pu se montrer insistant envers quelques femmes, affirmera lors d’une entrevue un excellent ami depuis le Vieux Continent. Mais on pa...

Les Grands Ballets canadiens et la guerre commerciale américaine

La guerre commerciale «  made in USA  » est commencée. De toutes parts, on nous invite à boycotter les produits et les services américains. Quoi ? Vous songiez aller en vacances aux États-Unis cette année ? Oubliez ça ! Il faut dépenser son argent au Canada, mieux encore, au Québec. Dans ce contexte, on nous appelle également à boycotter Amazon (et autres GAFAM de ce monde) ainsi que Netflix, Disney, le jus d’orange, le ketchup, le papier de toilette, etc. – nommez-les, les produits américains –, en nous proposant, et ce un peu partout dans les médias québécois, des équivalents en produits canadiens afin de contrer la menace américaine qui cherche ni plus ni moins à nous affaiblir pour ensuite nous annexer. Les Américains sont parmi nous  Pourtant, les Américains sont en ville depuis longtemps. Depuis 2013, en effet, les Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) offrent une formation américaine ( in English, mind you , et à prix très fort qui plus est) sur notre territo...

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

«Boléro» (2024), l’art de massacrer la danse et la chorégraphe

  Réalisé par Anne Fontaine ( Coco avant Chanel ), le film  Boléro  (2024) porte sur la vie du pianiste et compositeur français Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) durant la création de ce qui deviendra son plus grand chef-d’œuvre, le  Boléro , commandé par la danseuse et mécène Ida Rubinstein (Jeanne Balibar). Alors que Ravel connait pourtant un certain succès à l’étranger, il est néanmoins hanté par le doute et en panne d’inspiration.  Les faits entourant la vie de Maurice Ravel ont évidemment été retracés pour la réalisation de ce film biographique, mais, étrangement, aucune recherche ne semble avoir été effectuée pour respecter les faits, les événements et, surtout, la vérité entourant l’œuvre chorégraphique pour laquelle cette œuvre espagnole fut composée et sans laquelle cette musique de Ravel n’aurait jamais vu le jour.  Dans ce film inégal et tout en longueur, la réalisatrice française n’en avait clairement rien à faire ni à cirer de la danse, des fai...

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle p...