Plusieurs ont pris conscience ces derniers mois, et c’est tant mieux, du sentiment de honte avec lequel doivent composer les victimes d’agression sexuelle et d’abus de pouvoir, femmes et hommes, et ce, pendant des années, voire des décennies, vivant plus souvent qu’autrement dans le silence et l’isolement, faute, entre autres, d’accompagnement adéquat. De là, une question légitime a été soulevée maintes fois : pourquoi ce lourd sentiment n’est-il pas porté par les agresseurs plutôt que par les victimes?
La honte étant par définition un « sentiment d’abaissement, d’humiliation » résultant « d’une atteinte à l’honneur, à la dignité », c’est donc la victime qui encaisse l’affront, en plus de la confusion, du moins jusqu’à une possible reprise de son pouvoir, après quoi, peut-être, les rôles s’inverseront enfin, comme on l’a vu récemment dans le procès de l’ex-médecin américain Larry Nassar, reconnu coupable d’agressions sexuelles sur des centaines de jeunes filles, devenues, ma foi, des femmes fort admirables, mais je m’éloigne.
Similairement, les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté au Québec sont aux prises avec ce même sentiment de honte et d’impuissance, l’atteinte à la dignité humaine ayant touché les bas-fonds de la pyramide de Maslow. Au cours de la dernière décennie, le filet social a complètement été démantelé, réduit à un mince et fragile fil. Les services sociaux ont âprement été sabrés, l’humanité aussi.
Or dans ce cas-ci, c’est de violence économique dont il s’agit. Faudrait arrêter de parler d’austérité et regarder la réalité en face - encore faut-il la voir, pire, la subir.
Qu’il s’agisse de précarité d’emploi, de maladie, d'itinérance, d’incapacité bien involontaire au travail, ou toute autre situation exécrable comme un deuil ou un drame familial, provoquant chez les individus une crise existentielle - notons au passage que les crises économiques, elles, reçoivent systématiquement une aide financière, question de la stimuler -, nombreuses personnes peinent à joindre les deux bouts au Québec, à manger, eux aussi, trois fois par jour, survivant dans l’opprobre et l’exclusion sociale, sans compter les vils préjugés, les commentaires désobligeants, les soupirs méprisants, les claquements de langue cinglants, accompagnés d’un prestigieux roulement des yeux qui ferait l’envie des contorsionnistes les plus aguerris.
Pourtant, selon l’étude de Mouvement Desjardins parue en mars 2017, « le nombre de personnes à faible revenu était entre 693 000 et 1,1 million de personnes en 2014 au Québec ». Même à l’estimation très approximative de 800 000 personnes, cela représente un Québécois sur dix vivant présentement sous le seuil de la pauvreté, buvant chaque jour le calice de l’ignominie sans toutefois y voir la lie. Faudra-t-il se doter de « cotes d’écoute » de la pauvreté pour intéresser les médias à cette « vraie-réalité »? Car sa « popularité » bat déjà nombreuses creuses émissions, vous savez.
Manifestement, il est plus facile de tomber dans le gouffre de la pauvreté que d’en sortir. Parlez-en aux femmes. Elles y ont goûté à la brutale oppression néolibérale. Selon l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), l’écart entre les hommes et les femmes s’élève à 7 milliards de dollars. Les libéraux peuvent donc aller se rhabiller avec leur ignoble promesse de « sortir 100 000 personnes de la pauvreté » d’ici 2023… Cachez, M. Couillard, cette vilaine carotte électorale que je ne saurais voir.
À quand, donc, une vague de dénonciations et de compassion pour les prolétaires au Québec, femmes et hommes, outre durant le temps des fêtes s’entend? Car il y en a marre de manger de la misère néolibérale. Qu’arrivent les élections qu’on fasse tomber, nous aussi, les agresseurs! … Encore faudrait-il réformer le mode de scrutin* puisque, comme c’est là, on va péniblement changer quatre trente sous pour une piastre. Misère. : :
*Pour une réforme du mode de scrutin: Chaque voix compte de Mouvement démocratie nouvelle.