Plusieurs citoyens ont cessé de regarder les points de presse du trio gouvernemental au Québec. Ils en avaient marre, apparemment, des interminables questions « négatives » des journalistes. Tous des rabat-joies.
Voilà ce qu’on peut lire un peu partout ces jours-ci. Celles et ceux qui posent des questions, qui exigent des comptes, vérifient les faits et les données qui nous sont présentés ou encore nous présentent la dure réalité des CHSLD sont juste des « casseux de party », des gens négatifs, pessimistes, sombres.
À écouter plusieurs de mes concitoyens, faudrait cesser de tout remettre en question, avaler la pilule gouvernementale qu’on nous sert sur une base régulière, la digérer en silence, docilement.
Faudrait absolument rester positif. Faudrait rire et danser, halluciner des papillons, des licornes et des arcs-en-ciel, tout en se répétant nonchalamment « ça va bien aller » …
Même qu’ils sont fort nombreux à vouloir « Laissez danser le Dr Arruda ». À lire les commentaires, moi, pourtant ex-danseuse professionnelle et danse-thérapeute, je ne serais qu’une « pisse-froid » moralisatrice. Car l’Horacio Show, avec son gros ego, j’en ai rien à cirer, vous voyez. Même que je trouve ça très déplacé. Même que ça signale un sérieux manque de jugement.
La vie doit continuer, dites-vous ? Évidemment que la vie continue. Et donc les drames aussi justement. Est-ce si difficile de les reconnaître, de les souligner, de les regarder en face et de se calmer le pompon pendant quelques semaines ?
Or le peuple québécois, c’est bien connu, aime rire, que dis-je, ADORE rire. C’est notre véritable religion, du moins celle qu’on pratique régulièrement. On a même des festivals du rire, une école nationale de l’humour, des humoristes à la pelletée, bref, il faut rire à tout prix, dans ce presque-pays, s’amuser, relaxer, chiller, même si nos chiffres et nos statistiques de la COVID-19 sont désastreux, reflétant une terrible et honteuse réalité, distincte au Québec, soit dit en passant, par rapport au « reste du Canada ».
Mais qu’importe les drames et les tragédies qui se déploient partout, nos torts comme peuple, comme société, encore aujourd’hui, en pleine crise sanitaire, au beau milieu d’une pandémie, faudrait se divertir, rire, danser, cesser de poser des questions, faire confiance aveuglément, jouer à l’autruche, se mettre la tête dans le sable, pendant que des gens souffrent ou, pire, tombent comme des mouches.
Ne pas voir, ne pas savoir, ne rien entendre… Il est alors beaucoup plus facile de faire comme si cela n’existait pas, de s’en laver les mains, de reprendre tranquillement son petit train-train quotidien.
Ça s’appelle le déni, chers amis, un puissant mécanisme de défense, inconscient la plupart du temps, mais pas forcément, qui sert à maintenir, voire à justifier le confort et l’indifférence… (Tiens, ça me fait penser à notre absence d’indépendance.)
Seulement, le rire est également l’envers du cri. Peut-être avons-nous tant besoin de rire et de danser pour éviter de ressentir la douleur, l’angoisse et la terrible souffrance qui accablent notre peuple en ce moment.