L’industrie des animaux de compagnie au Québec se porte très bien. Les chiffres dans ce secteur sont d’ailleurs révélateurs. Déjà, en 2018, les ménages québécois dépensaient plus de 1,7 milliard de dollars par année pour leurs animaux de compagnie. Durant la pandémie, toutefois, le marché animalier a explosé, plusieurs confinés ressentant alors un urgent besoin de compagnie. Par conséquent, « pendant la triste série de confinements covidiens intermittents, les Québécois ont ajouté environ 200 000 chats et chiens aux trois millions existant déjà dans leurs foyers. » Forcément, les services animaliers de toutes sortes ont eux aussi augmenté considérablement.
On trouve donc aujourd’hui une panoplie de services très nichés, voire de luxe, pour les animaux domestiques, bien souvent traités comme des bébés : des services de garderie, de massage ou de toilettage luxueux, ainsi que des spas et des hôtels de luxe réservés à ces compagnons poilus. Parmi ces services haut de gamme, il existe entre autres un centre de villégiature de luxe pour chiens.
Vie de chien… luxueuse
Dans un centre de villégiature de luxe pour chiens, par exemple, les petits amis à quatre pattes sont traités comme des rois, avec du personnel disponible juste pour eux 24 heures sur 24. Des chambres de style « condos » et des « suites » sont également offertes, de même qu’un salon de toilettage, un café, et même une piscine, pendant qu’un « chef établi » voit au menu du restaurant canin.
Dans cet univers canin surréaliste qui semble relever d’une pure dystopie, on offre également aux fidèles compagnons quadrupèdes de la musique apaisante et des activités au quotidien afin d’animer et d’amuser ces pitous privilégiés, comme « la chasse aux bulles le mercredi » ou bien « une journée costumée pour l’Halloween ! » Dans cet endroit de rêve réservé aux chiens, il n’y a pas de cage, la mission de l’entreprise étant évidemment d’offrir le meilleur service possible et de rendre tous les animaux heureux durant leur bref séjour. Pour ce faire, rien de plus simple. Vous n’avez qu’à sortir votre portefeuille et, à gros prix, on s’occupe de votre meilleur ami.
Des humains moins que des chiens ?
Si le chien est le meilleur ami de l’humain, il faut croire que les autres humains, eux, sont devenus ses pires ennemis. Car, pendant que des chiens, des chats et autres animaux de compagnie ont droit à des soins de qualité très dispendieux et à des services d’hébergement temporaire hors pair, bon nombre d’êtres humains, eux, sont tout simplement laissés à eux-mêmes. N’a qu’à se promener au centre-ville de Montréal et prendre le métro pour constater que, sur le terrain de la misère humaine, les services offerts aux humains dans le besoin sont particulièrement restreints.
Faute de refuges, de gîtes temporaires, de logements abordables ou de « centres de villégiature » pour accueillir les sans-abri, plusieurs personnes ont dû passer l’hiver à se réfugier à l’urgence, dans une station de métro, des wagons, des abribus, différents endroits publics comme des foires alimentaires, ou encore dans des toilettes chimiques. On se souviendra qu’en janvier 2021, Raphaël André, un Autochtone de 51 ans en situation d’itinérance, est mort de froid dans une toilette chimique à l’intersection de l’avenue du Parc et de la rue Milton à Montréal.
Considérés hautement indésirables, ces gens sont habituellement chassés par des gardiens de sécurité, parfois violemment, si ce n’est par un commerçant qui n’hésite pas à leur lancer un sceau d’eau en plein visage pour les réveiller. Autrement dit, on les traite comme des animaux… ou pire. Tout est très relatif.
Et contrairement à pitou ou à minou cajolé dans un spa de luxe, les personnes en situation d’itinérance, qui n’ont en réalité nulle part où aller, n’ont pas droit à de la « musique apaisante » ni à des « activités chaque jour » pour les occuper, les divertir et les amuser. Au contraire. On les assomme habituellement avec une musique forte, agressante ou insupportable diffusée en boucle comme «Baby Shark». Le Complexe Desjardins n’est évidemment pas le seul endroit à employer cette tactique de répulsion. Bien connues depuis des années, diverses méthodes sont employées pour éloigner les sans-abri et les flâneurs.
Dans plusieurs villes au Québec, comme ailleurs en Amérique, on utilise de la musique classique, d’opéra, « d’ascenseur » ou de « détente » (lire une musique répétitive insupportable) pour repousser les flâneurs de tout acabit (jeunes délinquants, consommateurs de drogue, itinérants, quêteux, sans-abri, etc.), ces indésirables faisant fuir les clients.
« Cohabiter avec les animaux en ville »
En 2015, au Québec, on adoptait la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal à l’Assemblée nationale. Grâce à cette loi, un animal ne pouvait plus être considéré comme un bien ou un meuble. Par là même, on accordait « aux animaux un nouveau statut juridique, les définissant comme des êtres doués de sensibilité et possédant des impératifs biologiques. »
Bizarrement, les personnes sans logement au Québec ne sont pas, elles non plus, dénuées de sensibilité et d’« impératifs biologiques ». Pourtant, à l’instar de la crise du logement, le gouvernement caquiste demeure aveugle et sourd à cette crise humanitaire qui se déploie sous nos yeux, entre autres, au centre-ville de Montréal.
On a besoin de logements abordables au Québec. Pis vite ! Car, dans les faits, qui mène une véritable vie de chien dans ce presque pays ?
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Image : capture d’écran, La Presse.