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Gommer les femmes

Cette image épouvantable, sinistre et monstrueuse provient du documentaire Sous la loi des talibans, disponible gratuitement (aucun abonnement requis) sur Tou.tv. À leur retour au pouvoir, en 2021, les talibans avaient pourtant affirmé qu’ils respecteraient les droits des femmes. Mais, pendant ce temps, on les chassait néanmoins de leurs emplois, des écoles et des universités qui devinrent dès lors des lieux de propagande. Les amphithéâtres du savoir et de la connaissance furent sur-le-champ transformés en temples de propagande islamique, de minables théâtres d’endoctrinement des femmes.  

Dès 2021, pendant que des femmes s’organisent du mieux qu’elles peuvent pour défendre leurs droits avec les moyens du bord (c’est-à-dire, très restreints), d’autres, elles, endoctrinées et contrôlées jusqu’à la moelle, se rassemblent sous leur voile intégral noir et marchent dans la rue pour déclarer leur joie, « satisfaites » du retour des talibans, « heureuses » de vivre enfin sous la charia. Fini, la déchéance et la débauche des méchants Occidentaux ! Dehors, les perverses modes occidentales ! Tout doit être fait et accompli selon les mots d’Allah, ou plutôt, selon l’interprétation que ces voyous ultrareligieux armés font de ces textes écrits il y a de cela des milliers d’années. Des « brutes » armées sans éducation ni culture, témoigne une Afghane (éditrice de livres pour enfants) qui doit s’exiler après avoir caché ses milliers de livres. 

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Dès que les droits des femmes sont menacés, altérés ou effacés, les droits de tous les individus d’un pays s’effritent et la démocratie elle-même est alors en jeu. Nous allons « protéger les femmes qu’elles le veuillent ou non » déclarait un certain candidat présidentiel orange. Faut-il demeurer vigilantes ? Mettez-en.

 

Car, pendant ce temps, en Amérique, les conservateurs ultrareligieux prônent le retour aux valeurs et aux rôles traditionnels comme les « tradwives ». Même des jeunes femmes antiféministes en font la promotion. 

À ce propos, l’autre documentaire qu’il faut absolument voir et qui vous glacera le sang tout autant est Jeunes, Américaines et antiféministes. Produit en 2024, ce documentaire de 53 minutes nous montre des jeunes femmes aux valeurs conservatrices, voire révolues : « Layla Wright [journaliste et documentariste britannique] part à la rencontre de jeunes femmes américaines qui défendent sur les réseaux sociaux des opinions extrêmes, choquantes et antiféministes, issues du mouvement de la droite politique. » À la fin du film, j’ai réalisé que j’avais la bouche ouverte depuis le début. La mâchoire flanche, tombe littéralement. 

Le retour de l’homme fort, protecteur, pourvoyeur, pendant que la femme, elle, soumise, sans opinion et sans revenu, reste à la maison, concocte de jolis repas et « fabrique » des enfants qui seront éduqués à la maison. Il faut entendre cet homme (un ancien révérend) à la table de sa cuisine qui lit des passages de la bible, tout en parlant au nom de sa femme et de ses enfants… sans vouloir « mettre des mots » dans leur bouche. C’est tout simplement ahurissant. 

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Ça commence parfois par un petit « fichu » sur la tête, et puis un simple voile sans importance. Qui a peur d’un minable hidjab ? Vraiment ? Et puis, les options sont nombreuses. Il y a le maghnaeh (Iran), l’abaya, le tchador, la coiffe ou le niqab. Et puis, tant qu’à y être, allons-y avec la burqa et scellons les fenêtres, éteignons leur voix, la voix de toutes les femmes. C’est d’abord quelques-unes et puis c’est ensuite toute une population, toutes les femmes d’un pays emprisonnées dans la pauvreté, une burqa immonde et leur maison. Non, rien n’est jamais acquis pour les femmes. Jamais. Demandez aux Afghanes et aux Iraniennes.

Les couleurs peuvent varier, certes, la religion aussi, mais la tenue, elle, a exactement la même fonction, joue le même rôle : effacer les femmes de l’espace public, invisibiliser leur corps, leur peau, leur visage, leurs cheveux, soustraire les femmes de la société, les réduire au silence, les tenir loin de tout pouvoir décisionnel et politique. 

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« Le contrôle coercitif du corps des femmes commence dès l’enfance, où les petites filles doivent se couvrir d’un voile. C’est ce que j’ai vécu, moi comme des millions de femmes en Iran. Le voile imposé a la même fonction symbolique que la coiffe des esclaves dans "la Servante écarlate". Il est rendu obligatoire pour démontrer qu’un pouvoir s’exerce sur nos corps. » 

– Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix 2023, Le Nouvel Obs (fév. 2025)

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« Le voile condamne le corps féminin à l’enfermement car ce corps est l’objet sur lequel l’honneur de l’homme musulman s’inscrit, et il doit, à ce titre, être protégé. »

– Chahdortt Djavann, Bas les voiles ! (Gallimard, 2003)

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En lien : 

Des femmes au pays des talibans 

Interdire le niqab au Québec 

Et des jeunes filles voilées, est-ce aussi de la « diversité »? 

Contenir le corps et le rire des femmes

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