Les promesses phares du gouvernement Legault tombent comme des mouches les unes après les autres. Les paroles s’envolent, les élus restent – alors que leur élection reposait sur bon nombre de ces promesses électorales, justement.
Une de ces promesses fondamentales de la Coalition avenir Québec (CAQ), si elle était élue en 2018 ? La réforme du mode de scrutin. Oui, on s’en souvient. C’était même bien plus qu’une promesse mais un engagement, signé de surcroît, par les différents partis de l’opposition. À cette époque, qui semble déjà lointaine, il s’agissait d’ailleurs d’une « priorité » pour M. Legault, le meilleur « compromis » possible pour notre démocratie, pour les régions, pour l’ensemble de la population – pas juste l’affaire de « quelques intellectuels ».
Le mercredi 9 mai 2018, en effet, M. François Legault, alors chef du deuxième groupe d’opposition, entouré de ses collègues « des oppositions », M. Jean-François Lisée, chef de l’opposition officielle, et M. Gabriel Nadeau-Dubois, député de Gouin, signaient tous ensemble une entente afin de déposer un projet de loi visant à modifier le mode de scrutin dès la première année d’un éventuel mandat. Fidèle à lui-même, M. Legault ouvrit son beau grand discours rempli de beaux mots et de promesses creuses par « Oui, bien, bonjour, tout le monde », avant de poursuivre sur la nécessité de passer enfin à l’action et de rendre plus proportionnel le mode de scrutin au Québec :
« On le sait, ça fait longtemps au Québec qu'on parle d'une réforme du mode de scrutin. Il y a eu des états généraux qui ont commencé en 2002 puis qui ont fini en 2003. Pour moi, on n'est plus à l'étape des débats, on est à l'étape de l'action, on est à l'étape que ce projet devienne une réalité. Il y a un consensus qui commence à se dégager, d'ailleurs on en a la preuve ici aujourd'hui. Je pense que c'est une excellente nouvelle. Parce qu'on le sait, sur les enjeux importants, la population s'attend à ce qu'on collabore davantage, qu'on travaille davantage ensemble, qu'on fasse preuve de plus d'ouverture. Et, même s'il y aura toujours des choses importantes qui vont nous séparer, je pense que les Québécois sont tannés de la vieille politique, et ce qu'on annonce aujourd'hui, c'est un pas dans la bonne direction. Donc, je suis heureux, aujourd'hui, de réitérer mon engagement. Si nous sommes élus le 1er octobre [2018], un gouvernement de la CAQ va déposer un projet de loi dans la première année de son mandat et un gouvernement de la CAQ va mettre en branle une réforme du mode de scrutin pour être adoptée dans son premier mandat. Donc, je pense que le système actuel nous a bien servis, mais il montre de plus en plus ses limites. Les citoyens sentent que leur vote compte de moins en moins. Le statu quo vient nourrir le cynisme au Québec. La proportionnelle mixte, c'est un système qui a fait ses preuves dans plusieurs États dans le monde, qui va donner plus de poids à chaque vote. C'est un bon compromis pour nos régions, c'est un bon compromis pour notre démocratie, c'est un bon compromis pour le Québec. C'est pour ça que je suis heureux que ça fasse partie du programme puis des priorités d'un éventuel gouvernement de la CAQ. Donc, en terminant, je tiens à souligner le travail exceptionnel du Mouvement Démocratie nouvelle. Vous pouvez compter sur nous. »
Depuis cette journée mémorable de printemps 2018, M. Legault a bel et bien été élu premier ministre du Québec. Pourtant, son gouvernement caquiste très majoritaire, au sommet duquel il règne seul en roi, maître et chef, a tout simplement renié son engagement, abandonnant lâchement le projet de loi 39, ainsi que tous les Québécois qui espéraient depuis longtemps cette réforme du mode de scrutin. En d’autres mots, François Legault a fait un Justin Trudeau de lui-même.
On en comprend donc, si l’on se fie à ses paroles exprimées le 9 mai 2018, que le premier ministre François Legault choisit délibérément de « nourrir le cynisme » au Québec, son « principal adversaire », affirmait-il alors, en faisant de la « vieille politique » dont les Québécois sont franchement « tannés ». Et ça, renier sa parole et briser ses engagements à répétition, à court comme à moyen terme, risquent fort bien d’être dangereux :
« De plus en plus, les citoyens sont informés et de plus en plus les citoyens veulent participer. Même s'ils s'intéressent moins, entre les élections, à la politique, il reste que, quand même, les gens veulent être représentés, veulent participer aux décisions, puis c'est une façon de le faire. Donc, moi, je pense qu'un gouvernement qui ne respecterait pas cette volonté-là des citoyens se retrouverait en difficulté à moyen terme. »
On verra, on verra.
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Lire aussi : Il y a 5 ans, François Legault promettait l'histoire, Le Devoir, 9 mai 2023.