On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode.
Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette.
On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble.
On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante.
On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles.
Dans l’une de ces trop nombreuses et ridicules pubs d’ailleurs, on peut même acheter une bagnole au volant de sa voiture en passant au « service à l’auto » du concessionnaire du coin : « Rouge ou noire ? » Oh wow… On peut consommer des chars… en char.
On calcule même la valeur de notre temps passé, perdu ou investi, c’est selon, en transport, sur la route, entre la job et la maison.
Bref, nous sommes devenus complètement obsédés par la mobilité, un élément fondamental à la qualité de nos vies.
Mais pour ce qui est de la mobilisation, par contre, là, il faut repasser… à pied.
Oui, oui, la mobilisation, comme dans mobilisation citoyenne. Elle est où, bordel ?
Mobilisation : Fait d'être mis ou de se mettre en mouvement en vue d'une action concertée.
Autrement dit, c’est la somme de différents mouvements individuels, réunis, rassemblés dans un même élan collectif, une même direction, un but ultime, un objectif commun.
Et c’est quoi, au juste, ce projet commun au Québec, ce grand projet de société qui nous rallie dans un même élan et mouvement collectifs ? Euh…
L’indépendance du Québec semble avoir été rangée sur une tablette beige, laissée aux oubliettes d’un passé décevant et douloureux, survivant fragilement quelque part dans le fin fond des coulisses sombres de la politique québécoise.
Pour ce qui est de la transition énergétique, le fameux grand virage de la mobilité durable qui devrait « imminemment » arriver (avant la disparition complète des espèces vivantes, espérons-le), ça ne crie pas fort non plus dans les rues ces temps-ci, chers amis.
La mobilité, certes, on la veut. Même qu’on l’exige.
Mais la mobilisation, elle, exige en revanche un effort, un effort de notre part, à tous. Et tout le monde haït ce mot… « Un effort ? Quoi ? Il faut que, moi, je fasse un effort ?! Ouache ! »
Or, tout grand projet, individuel comme collectif, exige un effort, du temps, de l’énergie. Oui, va falloir y mettre de l’énergie, mon kiki. Pas du gaz, pas de l’essence, pas du pétrole, de l’énergie humaine, puisée à même notre Québec.
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Je me souviens (encore) de Pierre Bourgault (1934-2003) : « Non, l'indépendance n'est pas une récompense, c'est un effort. Non l'indépendance n'est pas un extrémisme, c'est la chose la plus normale au monde. » (Écrits polémiques, 1996)