Passer au contenu principal

François Legault, le gagnant


En 2013, François Legault publiait le livre Cap sur un Québec gagnant : le projet St-Laurent. En bon comptable agréé et gestionnaire fort bien organisé, il y présentait méthodiquement sa vision politique pour le Québec et ses idées. 

Ancien indépendantiste convaincu actif au PQ, il en avait clairement marre de perdre. Après deux douloureux échecs référendaires et le moral à terre, « …force [était] d’admettre que ce projet, à ce moment-ci de notre histoire [kof, kof], a bien peu de chances de réussir et n’est pas la priorité des Québécois », peut-on y lire. 

Se « désol[ant] d’assister au triste spectacle d’un Québec hésitant et bloqué », il choisit donc, comme on le sait, « de mettre de côté le projet de souveraineté du Québec » et d’étayer dans ce livre ses raisons et sa vision pour un futur « Québec gagnant ». Car il faudra bien un jour, comme peuple, être fier et « de nouveau gagner, tous ensemble ». 

Et comment gagne-t-on dans la vie, comme individu, comme société ou comme nation ? « [P]ar l’accroissement de notre prospérité », voyons donc. C’est là son objectif premier. 

Lui-même richissime entrepreneur, ayant pas mal tout réussi dans la vie, en amour comme en affaire, François Legault, qui croit pourtant à « l’égalité des chances », définit foncièrement le succès humain par la richesse économique. 

Sa véritable obsession ? Battre les Ontariens, et éventuellement tous les Canadiens. Non pas en se donnant un pays – à moins de conditions gagnantes peut-être ? – mais bien par une forte et profitable économie : « Mon premier objectif est économique et très ambitieux : renverser la vapeur et rattraper le plus rapidement possible le niveau de richesse de l’Ontario et éventuellement celui du reste du Canada. » 

Dans ce contexte, pourquoi accueillir des immigrants et réunir des familles si « Les immigrants qui gagnent moins de 56 000 $ "empirent mon problème", dit Legault »? Non, cela ne serait pas gagnant. 

Il faut aider les ménages québécois à faire face à l’inflation en leur envoyant un chèque de 500$ ? Certainement. Pourtant critiqués de tous bords tous côtés, incluant par bon nombre d’économistes, M. Legault persiste et signe des chèques électoralistes à qui mieux mieux. Or, « alors que le gouvernement Legault a poussé sa générosité jusqu’à verser 1000 $ à des couples qui gagnaient un revenu net de 200 000 dollars (soit 100 000 dollars chacun) » il a, par la même occasion, « joué au radin en se remboursant à même ce crédit d’impôt de 500 dollars destiné à ces 355 264 contribuables endettés. » C’est du beau. 

Plutôt que de réellement venir en aide aux moins bien nantis de ce presque-pays, cette prétendue « aide financière » a permis au gouvernement Legault de se rembourser lui-même. Au diable les pauvres ! Ce ne sont pas des gagnants de toute façon. C’est même la honte. « Nous faisons maintenant partie des provinces les moins riches, je n’ose pas dire les plus pauvres », ajoute M. Legault dans ce livre éclairant sur sa vision du monde et des choses. « [N]ous n’avons d’autres choix que de générer de la prospérité », conclut-il plus loin. 

Et ce « cap sur un Québec gagnant », en route vers cette fière prospérité, se fera sans aucun doute sur le dos des plus démunis, des plus vulnérables de notre société, de tous ces Québécois qui ne mangent pas à leur faim au Québec, et dont, soulignons-le, le premier ministre François Legault ne parle jamais. Car reconnaître le fléau de la pauvreté au Québec ne ferait pas « gagnant ». Mieux vaut donc s’en tenir à la « classe très moyenne ».

Messages les plus consultés de ce blogue

Les Grands Ballets canadiens et la guerre commerciale américaine

La guerre commerciale «  made in USA  » est commencée. De toutes parts, on nous invite à boycotter les produits et les services américains. Quoi ? Vous songiez aller en vacances aux États-Unis cette année ? Oubliez ça ! Il faut dépenser son argent au Canada, mieux encore, au Québec. Dans ce contexte, on nous appelle également à boycotter Amazon (et autres GAFAM de ce monde) ainsi que Netflix, Disney, le jus d’orange, le ketchup, le papier de toilette, etc. – nommez-les, les produits américains –, en nous proposant, et ce un peu partout dans les médias québécois, des équivalents en produits canadiens afin de contrer la menace américaine qui cherche ni plus ni moins à nous affaiblir pour ensuite nous annexer. Les Américains sont parmi nous  Pourtant, les Américains sont en ville depuis longtemps. Depuis 2013, en effet, les Grands Ballets canadiens de Montréal (GBCM) offrent une formation américaine ( in English, mind you , et à prix très fort qui plus est) sur notre territo...

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

«Boléro» (2024), l’art de massacrer la danse et la chorégraphe

  Réalisé par Anne Fontaine ( Coco avant Chanel ), le film  Boléro  (2024) porte sur la vie du pianiste et compositeur français Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) durant la création de ce qui deviendra son plus grand chef-d’œuvre, le  Boléro , commandé par la danseuse et mécène Ida Rubinstein (Jeanne Balibar). Alors que Ravel connait pourtant un certain succès à l’étranger, il est néanmoins hanté par le doute et en panne d’inspiration.  Les faits entourant la vie de Maurice Ravel ont évidemment été retracés pour la réalisation de ce film biographique, mais, étrangement, aucune recherche ne semble avoir été effectuée pour respecter les faits, les événements et, surtout, la vérité entourant l’œuvre chorégraphique pour laquelle cette œuvre espagnole fut composée et sans laquelle cette musique de Ravel n’aurait jamais vu le jour.  Dans ce film inégal et tout en longueur, la réalisatrice française n’en avait clairement rien à faire ni à cirer de la danse, des fai...

«La Belle au bois dormant», y a-t-il une critique de danse dans la salle ?

«  Sur les planches cette semaine  » …  «  La Belle au bois dormant  est un grand classique et, en cette époque troublée, anxiogène, la beauté des grands classiques fait du bien à l’âme. Particularité de la version que présentent les Grands Ballets à la Place des Arts cette année : c’est un homme (Roddy Doble), puissant, imposant, sarcastique, qui interprète la fée Carabosse, comme l’a voulu la grande danseuse et chorégraphe brésilienne Marcia Haydée » écrit la journaliste Marie Tison, spécialiste en affaires, voyage et plein air dans La Presse .  Qu’est-ce qui est pire ? Une compagnie de ballet qui produit encore des œuvres sexistes et révolues ? Un homme qui joue le rôle d’une femme (fée Carabosse), rôle principal féminin usurpé à une danseuse ? Ou une journaliste qui ne connait absolument rien ni à la danse ni aux œuvres du répertoire classique, incapable du moindre regard ou esprit critique, qui signe constamment des papiers complaisants de s...

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle p...