C’est l’une de mes nombreuses obsessions, depuis toujours, celle-là : l’espace.
Je rêve sans cesse d’espace. De plus d’espace, de silence, de tranquillité. Je cherche, entre autres choses, un sanctuaire à moi, un havre de paix pour vivre, travailler, créer. Je cherche un appartement à Montréal, en pleine crise du logement. C’est insupportable, lamentable, désagréable.
Je me promène pourtant dans la ville et vois tous ces espaces désertés. Des tours à bureaux vides d’employés, des locaux commerciaux abandonnés, de multiples espaces de travail inexploités. J’ai juste envie d’entrer, de squatter la place, d’y faire le ménage, d'y travailler pis de peinturer. Ah oui, je désire aussi un atelier.
Tout ça, c’est de la richesse qui dort en silence.
Espace et expansion
Plus t’es riche, dans la vie, plus tu peux t’offrir de l’espace. Une grosse maison avec une cour pis une piscine à Rougemont, a big mansion in Senneville, Westmount ou Outremont, un chalet en Estrie ou dans les Laurentides, des terrains, des champs, des écuries, diverses propriétés, sans oublier les innombrables options de voyages. Tu peux ainsi explorer plus d’espace encore, différents espaces, les conquérir, peut-être même les exploiter.
Les richissimes peuvent également parcourir l’espace lui-même, aller faire un tour dans l'espace comme dans l’atmosphère, à bord d’une belle fusée splendidement phallique, ou encore planifier un voyage interplanétaire, afin d’aller sur Mars et, possiblement, d’y rester. Why not coconut. Allez-y donc. Ça libèrera peut-être quelques terriens de cette façon.
Tous ces espaces commerciaux vides et disponibles, au centre-ville de Montréal, m’énarvent au plus haut point. Cela m’est totalement insupportable à voir, pénible à regarder. Ce sont là, à mes yeux, beaucoup de ressources et de richesses inexploitées, du potentiel qui dort tristement en silence, alors qu’il y a tant à faire, tant de demandes d’espace, tant de besoins pour se loger, se nourrir, vivre et travailler.
Je sais, pas besoin de me le dire, je vis bel et bien, moi-même, sur une autre planète, la planète Utopie. J’en suis parfaitement consciente, soyez sans crainte. Je vois trop souvent, partout, des possibilités pour de grands changements, de possibles projets de collaboration, de coopération, du développement de communes, de jardins et de communautés, des lieux remplis de potentiel, d’art et de beauté.
Mais en attendant ce grand jour de déménagement et, on l'espère, de grand déploiement, à défaut d’avoir de l’espace (de même que la paix et la tranquillité), il faut bien chercher et rêver. Sinon, que reste-t-il, autre que le désespoir dans un espace étriqué.
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Photo : S. Marchand, « La richesse spatiale dort dans ce local d’Hochelag », espace commercial abandonné placardé d’images, Montréal, 5 nov. 2021