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Malgré les chantiers et les travaux en cours, sur Pie-IX, les oiseaux chantaient et volaient autour de nous. Ça grouillait de vie à l’arrêt d’autobus temporaire rempli d’ennui.
« Au moins les oiseaux chantent, eux !, ai-je lancé à l’homme en avant de moé, un citoyen à l'apparence bien modeste.
- Ouais, ça fait énormément de bien.
- Énormément de bien, vous avez raison, mon cher monsieur.
- Mon chat leur parle, aux oiseaux, tsé. Il leur fait la guerre.
- Ah ouin ? »
Dans le temps de le dire, l’homme en question m’a révélé comment il avait sauvé le chat de son ami, qui habitait dans le même immeuble que lui, lorsqu’il est décédé.
« À sa mort, je suis allé chercher le chat, je ne voulais pas qu’il soit euthanasié par [un organisme]. »
Depuis plus d’une décennie, Bella, le chat, vit donc avec lui. Et à chaque anniversaire de son ami Serge, en octobre, il dit « bonne fête » à la chatte, sorte de messagère, le lien affectif qui unit toujours les deux vieux amis.
- Vous êtes un bon homme… je veux dire, un homme bon.
- Merci.
- C’est quoi votre nom ? … »
Patrice m’a parlé des « amours de [s]a vie » ; des chiens, des chats et même d’une tortue à qui il a rendu sa liberté. « C’était une tortue d’eau douce, je l’ai déposée dans l’eau, sur le bord de la rivière, et elle est partie en nageant. »
- Je suis schizophrène, me lance-t-il en levant les mains dans les airs, en attendant ma réaction.
- …
- J’aime mieux le dire, être honnête avec le monde.
- Je comprends ce que vous voulez dire, mais ça ne m’inquiète pas, ça ne me fait pas peur, vous savez.
Patrice a été diagnostiqué sur le tard, me raconte-t-il, à l’âge de 30 ans. C'est effectivement pas mal tard. Avant ça, les voix qu’il entendait ne causaient pas vraiment de problèmes. Mais lors d’un épisode de dépression, les symptômes de la schizophrénie se sont aggravés, il a dû être hospitalisé : « Je n’aime pas dire "interné", mais c’est ça, j’ai été hospitalisé pendant trois mois. »
Mais depuis plusieurs années maintenant, la terrible maladie chronique et ses symptômes envahissants sont sous contrôle. Même plus besoin d’être suivi par un psychiatre, affirme-t-il fièrement, c’est sa médecin de famille qui gère tout ça et qui lui donne sa médication.
- Chaque trois mois, je reçois une injection de palipéridone, de l’Invega Trinza.
- Du quoi ?
- De l’Invega Trinza. Il y a de l’Invega Sustenna et de l’Invega Trinza.
- Chaque trois mois ? C’est donc très concentré, ce médicament, ça agit à long terme, c’est ça ?
- Ouais. Quand je reçois ça, je dors pendant presque deux jours.
L’autobus arrive, on poursuit la conversation en route. On parle de sa famille et de son frère anti-vaccin. Mais Patrice, lui, s’est fait vacciner. Pas question de prendre de chance. Deux cancers, un seul rein, des poumons abimés, une santé fragile et un trouble psychiatrique sous contrôle, Patrice a expliqué à son frère ses motivations : il écoute sa médecin.
« Elle est jeune, elle est vraiment bonne, et je lui fais confiance.
- C’est important, ce lien de confiance. Et en plus, qui sait ce qui arriverait, Patrice, si tu attrapais la COVID-19. Peut-être que cela déclencherait à nouveau des vieux symptômes qui sont bien gérés depuis longtemps.
- Ouin, non merci. Moi, j’écoute la science. Mais je suis pro-choix, chacun fait ce qu’il veut dans ma famille. La moitié est pro-vaccin, l’autre moitié est anti-vaccin.
Nous débarquons au même endroit.
- Je ne te suis pas, là, Patrice, mais moi aussi je m’en vais par-là.
- Pas grave, moi non plus, je n’ai pas peur de toi… »
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Lorsqu’on prend le temps de les écouter respectueusement, les gens s’ouvrent comme des fleurs. Avec ou sans moineaux.