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Capsules de vie urbaine


Elle m’a fait un faux sourire, accompagné de ses faux cils, de ses faux ongles, ses faux cheveux, ses faux yeux bleus. Madame daigna enfin enlever son gros sac de shopping bling-bling, libérant ainsi le siège qu’il occupait dans le métro. « Excusez-moi ! », lui avais-je envoyé, en guise de demande de le retirer… Pfft ! J’vais me gêner, bébé !

De toute manière, pas une semaine ne passe sans que je me pogne avec quelqu’un dans le métro ou dans le bus, bref, dans les transports collectifs : « Vraiment ! Personne ne peut se lever pour ce monsieur avec une canne ? » ai-je lancé haut et fort, récemment, dans le bus 139-Pie-IX. (J’haïs ce bus.) UNE personne s’est levée, peut-être deux, mais lui descendait au prochain arrêt, alors ça ne compte pas vraiment.

Le black en question, avec sa canne, une fois assis à sa place, m’a regardée avec une main sur le cœur. Ce ne sont pas ses remerciements que je désire, c’est de savoir que je vis dans une société compatissante. Oui, je veux savoir que les gens autour de moi, peu importe où l’on se trouve, prennent soin des plus poqués, des plus amochés, des plus vulnérables, des plus démunis. Est-ce trop demander, sapristi ?

Parfois, il est vrai, les choses dérapent quelque peu. Mais c’est rarement avec des Québécois, disons, de souche. C’est généralement avec des Français ou des Maghrébins, entre autres, c'est-à-dire avec des immigrants installés ici. Et là encore, j’ai un « diplôme » là-dedans. J’ai déjà fait du service à la clientèle pour des Français, chers amis. Vous savez ce que c’est, faire du service à la clientèle pour nos cousins français ? C'est l'équivalent de l’université en argumentation. J’ai donc un Bac ès argumentation, avec mention honorable, un A+, si mon souvenir est bon… Tandis que les Québécois de souche, eux, préfèrent se taire, maugréer en silence, prendre leur trou ou encore endurer les pires situations.

Comme l’autre jour, par exemple, en entrant dans le métro bondé. J’ai commencé à jaser avec un vieux monsieur, assis, lui, à côté de la porte. « Mais c’est quoi cette musique ? », lui ai-je demandé. On s’entendait à peine parler.

Clin-clin, pas loin, écoutait son gros rap quétaine, en español, dans un haut-parleur qui crachait fort. Et évidemment, personne ne disait rien…

« Monsieur, excusez-moi, lui ai-je dit en m’approchant de lui, pourriez-vous svp baisser le son de votre speaker ? Ce n’est pas tout le monde qui veut écouter ça, là, vous comprenez ? Et vous savez que vous pouvez mettre des écouteurs, pas vrai ? » Il a baissé le son de son engin dans la seconde. « Merci monsieur », lui ai-je envoyé pour finaliser le dossier.

Les gens dans le wagon ont commencé à me remercier : « Merci madame ! » « Ça fait six stations qu’on endure ça ! » … « Merci ! »

« Mais oui, mais dites-le, simonac ! Exprimez-vous dans la vie ! », ai-je rétorqué en beau fusil, tout en demeurant néanmoins calme, posée et même souriante. (Sinon, il semblerait que j’ai l’air bête pas à peu près, m’a-t-on maintes fois confié.)

« C’est ça, les Québécois !, a continué le vieux monsieur avec sa bonbonne à oxygène. Juste une bande de losers ! Des colons ! Ça ne dit rien ! ... Vous savez quel journal est le plus lu, au Québec, madame ? Un torchon ! Un torchon, j’vous dis, madame ! … Le monde entier rit de nous autres ! Et moi aussi, je ris des Québécois ! Juste une bande de colons ! … »

Finalement, je me suis poliment pognée avec le bonhomme. Tant qu’à y être…

Un jour, un jour ! je vous le jure, je ne prendrai plus les transports en commun !

*** 
Des nouvelles de Christophe le philosophe

« Il n’est pas mort, m’a confirmé un de ses amis, un anglophone qui parle très bien français, il s’est trouvé une chambre. » Une chambre miteuse, selon ses dires, dans un immeuble mal en point, voire insalubre, où lui-même, l’anglophone, habite. Et comme ça se trouve dans un autre quartier, le trajet du philosophe ne croise plus le mien. Au moins, il est à l’intérieur pour l’hiver et lit toujours.

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