Vers 11h00 toutefois, au pied de la montagne, mon excitation chuta drastiquement lorsque je croisai une dame avec ce portrait de Greta (voir photo ci-haut). « Ayoille ! »
« Ok, check ben ça, les gens sont là pour voir Greta… », pensais-je, en beau fusil.
Des gens sortaient de leur bureau, au centre-ville de Montréal, espérant la voir et la prendre en photo : « C’est pour ma fille, affirmait l’une d’elle, elle tripe vraiment sur Greta ». Hum, hum…
À la toute fin de la marche, j’ai croisé une dame de 65 ans qui était là pour voir Greta. Une autre, elle, allait s’évanouir, c’est certain, quand la jeune militante suédoise apparut sur le grand écran. « Make the World Greta Again », clamaient quelques pancartes d’anglophones… (un slogan aperçu ailleurs dans le monde, soit dit en passant), bref, Greta par-ci, Greta par-là…
Oui, je sais, je chiâle constamment qu’il n’y a pas de mobilisation dans ce pays, que les gens sont individualistes, et là, on a eu droit à une manif monstre, dite « historique », 500 000 personnes. C'est vrai que c’était beau à voir, c'était même touchant, émouvant…
Or, historique, cette marche le sera seulement si elle a un impact direct sur les décisions de M. Legault et que son gouvernement caquiste décide d’agir concrètement. Maintenant. Ça reste à voir.
Pour le reste, à mes yeux et à mon pif à moi (et croyez-moi, il est particulièrement imposant), ça sentait « la grosse mode », cette mobilisation, tout simplement. Oui, c’est devenu une mode, en particulier chez les jeunes, de parler d’environnement, de s’en préoccuper, d’en faire un enjeu de société, de faire comme Greta, « à la Greta », comme nombreux d’entre nous avons imité Michael Jackson…
Et évidemment, ça prenait donc une vedette pour mobiliser les gens, pour créer un mouvement populaire – pas dans le sens de « issu du peuple », mais plutôt « tout le monde capote là-dessus alors moi aussi ».
Et pas une vedette d’ici, non, non… Ça prenait un symbole beaucoup plus « exotique », en l’occurrence une jeune femme venue de la Suède, un pays qui ressemble au nôtre - sauf que nous avons du sirop d’érable nous autres (c’est elle qui l’a dit dans son discours) -, une jeune fille, donc, idéalisée, propulsée dans l’imaginaire comme dans l’inconscient collectifs, catapultée au rôle de sauveuse, de Jeanne d’Arc, de missionnaire venue sur Terre pour la sauver, justement… ainsi que nous tous.
Car les êtres humains, psychologiquement comme psychiquement, ont sans cesse besoin d’être sauvés par quelqu’un d’autre, pas d’agir, pas de s’impliquer, pas de lutter, simplement d’être sauvés par un être externe à eux-mêmes, un symbole, une figure de proue (en plus, elle est venue en Amérique en bateau) qui portera à elle seule le fardeau de la bataille.
C’est également pour cette raison, qu’au Québec, on cherche encore notre René Lévesque à nous. D’ici là, non seulement il n’y aura pas d’indépendance, dans ce pays, mais on n’en parlera même pas.
Rappelons que Jeanne d'Arc est morte sur le bûcher à l'âge de 19 ans. Je souhaite donc bonne chance à Greta.
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Photo : Sylvie Marchand, « La dame qui tripait (fort) sur Greta… », Montréal, 27 septembre 2019. (Notez que l'image ci-haut a été tronquée pour préserver l'anonymat de la dame en question.)
Visionnez le documentaire Nous sommes le changement et le changement s'en vient de Mario Jean.