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Lettre ouverte à François Lambert


Pendant des jours, je me suis répétée : « Oublie ça, ça ne donne rien. » J’ai même fait brûler de l’encens, chanté maintes fois l’insupportable toune « Let it go », fait de la méditation transcendantale (enfin presque) et dormi plusieurs nuits là-dessus. Rien à faire. Des jours plus tard, ça me gossait encore à l’intérieur. Car lors de votre passage à l’émission Tout le monde en parle, M. Lambert, vous avez parlé des pauvres, de ces assistés sociaux qui « profitent du système », et maintes fois à travers votre chapeau. Et ça, ça m’énerve au plus haut point.

Je vous le dis d’emblée, M. Lambert, vous parlez de tout et de rien en même temps, sans connaissance de cause, en évoquant tantôt « l’aide de dernier recours », les assistés sociaux de « génération en génération », ceux qui « profitent du système » en plus des paradis fiscaux, comme si tout ça était la même affaire, sorte de bouillabaisse dont vous seul connaissez la recette et les ingrédients vraiment pas chers.

En réponse à Dany Turcotte, qui vous suggère de s’attaquer aux paradis fiscaux plutôt qu’aux assistés sociaux, vous dites : « Oui mais les paradis fiscaux, c’est compliqué en tabarnouche. » Alors si je comprends bien votre raisonnement, M Lambert, parce que c’est compliqué, on n’y touchera pas. On n’ira pas chercher ces sommes faramineuses qui devraient se retrouver dans notre système, mais les pauvres, eux, les indigents, étant beaucoup plus faciles à attaquer, là, on y va fort, tant dans les préjugés que la méconnaissance.

« Il n’y a jamais personne qui doit profiter du système. Que ce soit les paradis fiscaux, que ce soit un assisté social, pour moi, personne n’a le droit de profiter du système. Il y a des impôts à payer, et si un seul en profite, il faut le prendre, pis l’enlever de d’là pour que les gens qui en ont vraiment besoin, qu’on réserve l’argent pour ces gens-là. »

Hormis le problème avec la structure de cette phrase au grand complet, je vous dirais tout simplement, M. Lambert, ayant moi-même eu besoin de cette « aide de dernier recours » dont vous parlez, que personne ne « profite du système » à 399$ par mois, impossible. Même à 629$ par mois, tu commences le mois dans le rouge. Personne n’est fier d’être assisté social, et personne ne se pête les bretelles à l’aide alimentaire. Bien au contraire, tout ce beau monde survit.

Votre mère était pauvre et vous a appris à cuisiner ? C’est bien, je vous en félicite. Vous semblez avoir « réussi » votre vie, vous buvez même de l’« Opu ». Mais aujourd’hui, M. Lambert, il semble que vous soyez tout aussi déconnecté que M. Couillard en ce qui a trait à la pauvreté, et que vous ayez besoin, à cet égard, d’un bon « stimulu », car vos propos erronés ne font qu’amplifier le mépris, ajouter à la honte déjà ressentie par nous tous, les pauvres.

Quand vous voulez, M. Lambert, on va ensemble dans un centre d’aide alimentaire, et on en jase. Je suis même prête à vous payer le café après. Je suis peut-être pauvre, mais je ne suis pas cheap. On parlera de la vie, des aléas comme des imprévus, de la disparition du filet, des services sociaux tout comme ceux de la santé, des disparités homme-femme, de l’acharnement envers les indigents, et donc de l'adoption de la loi 70, bref, des gens qui sont déjà dans la merde et qu’on méprise ouvertement sur la place publique.

D’ici là, je vous souhaite le meilleur, M. Lambert, à vous et à vos enfants. Que la vie vous épargne des coups durs, de la maladie, d’un accident, d’un drame familial, d’un désastre naturel comme émotionnel, bref, d’une tempête ou d’une secousse qui pourrait venir tout déstabiliser chez vous. Que tout se passe bien dans votre cour et votre basse-cour, là où vous élevez vos poulets à huit piasses, mais libres comme l’air.

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