Si vous n’allez pas bien ces temps-ci, que vous souffrez d’anxiété, d’éco-anxiété, de déprime saisonnière, d’un burnout, de dépression majeure, d’idées suicidaires, et le reste, d’abord, sachez que vous n’êtes pas seul-e. Même que c’est la nouvelle normalité.
L’effritement de la norme
Il y a quelques décennies, en psychologie comme en médecine psychiatrique, on retrouvait la « norme », qui déterminait ce qu’était une personne en santé, et le reste était dit « anormal », incarné par les « fous » et les « déviants », soit des individus affectés par un trouble, une maladie quelconque. Autrement dit, il y avait le village et le fou du village. Après quelque temps toutefois, on découvrait généralement, chez les gens dits « normaux », nombreux secrets de famille, drames, travers, perversions, maladies, etc., mais ça c’est une autre histoire. Les autres, eux, lesdits « malades », étaient pour leur part pris en charge ou internés, souvent contre leur gré, se retrouvant ainsi à l’asile psychiatrique.
Or, suite au phénomène de la désinstitutionalisation des années 50 à 70, et l’arrivée, sur le marché pharmaceutique, de plus en plus de médicaments servant à stabiliser l’humeur et les comportements erratiques, comme les psychotropes, les antidépresseurs et les anxiolytiques, les personnes souffrant d’un trouble mental sévère se retrouvèrent à la rue, si ce n’est carrément en prison. Notre société choisit d’abandonner ces gens souffrant d’une maladie mentale grave, comme la schizophrénie entre autres exemples, de les laisser à eux-mêmes, et de s’occuper du village au grand complet en leur vendant continuellement de nouveaux « produits » (langage de représentant pharmaceutique).
La nouvelle norme
Au Québec, « un nombre record de 14,2 millions d'ordonnances (d'antidépresseurs) ont été délivrées par les pharmaciens » en 2011. Et ce chiffre continue d’augmenter. En 2017, les Québécois consommaient « plus d’antidépresseurs que la moyenne des Canadiens ».
Qui plus est, on observe chez les jeunes une préoccupation grandissante concernant la santé. Selon Unicef d’ailleurs : « La Commission de la santé mentale du Canada estime qu’à l’adolescence, un enfant ou un jeune Canadien sur cinq (soit 1,2 million) a été affecté par la maladie mentale. » C’est sans oublier qu’ils ont été assommés, depuis leur tendre enfance, avec des termes et des diagnostics comme TDAH, anxiété, troubles de l’apprentissage, etc.
D’ailleurs, si vous consultez un médecin, psychiatre ou non, les probabilités que vous ressortiez avec un diagnostic ou deux sont très élevées. Pour cause, le DSM, l’ouvrage de référence des diagnostics et des troubles mentaux en Amérique, comptait, à sa création en 1952, 60 pathologies distinctes, dont l’homosexualité. Aujourd’hui, on dénombre plus de 410 troubles et maladies mentales, alors que d’autres, comme l'homosexualité, ont disparu, la norme étant déterminée par les forces socio-politiques en place.
De là, on est en droit de s’interroger : Les êtres humains sont-ils plus fous, plus dérangés qu’auparavant ? L’évolution jouerait-elle contre nous ? Ou est-ce que ce sont les toutes-puissantes compagnies pharmaceutiques qui contrôlent désormais la médecine psychiatrique (et donc la définition de la santé) nous offrant toujours plus de médicaments ?
Pour le psychiatre américain, et grand critique tant du milieu psychiatrique que du DSM, Allen Frances, « normality is an endangered species ». En somme, nous n’acceptons plus la douleur et les souffrances inhérentes à la condition humaine. « What was once accepted as the aches and pains of everyday life is now frequently labeled a mental disorder and treated with a pill. » Ainsi, l’apparition d’un mal-être, d’une douleur, d’une difficulté, d’une souffrance est devenue un trouble auquel il faut remédier en prenant une pilule, un médicament.
Ajoutez à cela les désordres, les pathologies et les déséquilibres de la société elle-même, comme les guerres, la violence, la destruction, la pollution, la bêtise humaine, la haine, la misère, la pauvreté, la cruauté, la méchanceté, l’ignorance, la tyrannie, le règne de l’argent, les abus de pouvoir, la corruption, les injustices, le racisme, la misogynie, etc., bref, il y a de quoi se sentir troublé, affecté et impuissant. Le sentiment de solitude est palpable partout, rongeant ainsi la santé globale des gens, dans nos sociétés individualistes basées sur la compétition et la performance.
Et donc aujourd’hui, l’inverse est devenu vrai. Si vous vous portez bien dans un monde aussi médiocre et indéniablement malade, peut-être que quelque chose ne tourne pas rond avec vous…
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« It is no measure of health to be well adjusted to a profoundly sick society. »
- Jiddu Krishnamurti
« We now live in a nation where doctors destroy health, lawyers destroy justice, universities destroy knowledge, governments destroy freedom, the press destroys information, religion destroys morals, and our banks destroy the economy. » - Chris Hedges
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