Je n’en pouvais plus d’être dans Hochelag’. Deux jours de grève de la STM et je capotais. Prise en otage dans un immeuble miteux, en plus d’un concierge méchant, bruyant et exécrable pendant deux jours consécutifs, je me sentais déjà comme durant le Grand Confinement de 2020. Faut dire que j’ai depuis plusieurs années ma petite routine au centre-ville. À tous les jours, je prends le métro. Et même que je me déplace plusieurs fois par jour. Je suis toujours en mouvement, en déplacement, demeurant rarement plus de deux heures au même endroit. C’est comme ça, il faut que je bouge.
Alors déterminée à marcher plus d’une heure pour me rendre au centre-ville de Montréal, à mon café habituel, à la Grande Bibliothèque chercher un livre et le reste, j’ai pensé : « Va faire du pouce sur Hochelaga ! C’est sûr que quelqu’un va arrêter. Tout le monde sait qu’il y a une grève des transports ! » Et, comme de fait, c’est arrivé.
Après environ quatre minutes et demie de pouce sur la rue Hochelaga (et une face de femme ultra honnête), une voiture noire s’est arrêtée. J’ai d’abord cru qu’elle s’en allait à la pharmacie. Mais non, c’était pour moi.
Dans un français impeccable avec un léger accent exotique qui me semblait hispanique, la dame m’a demandé où j’allais. « Au centre-ville ! Déposez-moi n’importe où vers l’ouest… » On a jasé. En me voyant sur le bord de la rue, elle s’est dit : « Mais qu’est-ce qu’elle fait là, elle, à faire du pouce à Montréal ! Et après j’ai compris… Elle est coincée par la grève de la STM ! » Exact.
Cette femme travaille au Collège de Maisonneuve. Elle s’en allait chercher son repas du dîner pas loin. Mais elle a prolongé son trajet de quelques rues pour me donner une avance sur mon chemin. « Merci ! »
« Ma B.A. sera faite aujourd’hui ! J’ai fait le taxi pour ma fille ces derniers jours. Alors je peux bien le faire pour des inconnus. Comme ça, je sais que d’autres le feront pour moi ou ma fille lorsque nous aurons besoin. » « Oui, Madame ! Et en plus, c’est bon pour votre karma ! » On a rigolé.
Avant de sortir de la voiture, je lui ai lancé un autre merci bien senti et un !Muchas gracias! un peu rouillé. Elle a souri. Une fois au coin de la rue, j’ai levé les deux bras dans les airs comme si je venais de remporter une bataille colossale contre cette grève des transports qui nous paralyse, qui nous tient en otages dans notre quartier misérable. La dame, elle, m’envoyait la main en guise d’au revoir.
Cette femme d’origine colombienne m’a épargné 25 minutes de marche. Dans le temps de le dire, j’étais déjà dans mon ancien quartier, le chic Centre-Sud. Pas de problème pour marcher le reste jusqu’à la Grande Bibliothèque. Manifestement, il y a encore plein de bonnes et de belles personnes dans cette métropole.
Arrivée à ma destination, le café où je vais habituellement était fermé. Cause : Grève de la STM. J’ai trouvé cela hilarant. Mais j’ai quand même pu aller à l’autre café, à la bibliothèque, sortir d’Hochelag’ et, surtout, être en mouvement.