Il n’avait pas encore été intronisé qu’on était déjà tanné, épuisé, saturé. La campagne électorale américaine fut longue et, en réalité, il n’avait jamais cessé de parler depuis sa défaite en 2020 et son coup d’État raté le 6 janvier 2021, l’assaut du Capitole.
C’est une sorte de diarrhée verbale qui ne finit plus de couler, de miner notre existence, de salir et d’empester notre vie au quotidien. Par moments, il est même difficile de respirer profondément.
Le 31 octobre dernier, quelques jours avant les élections américaines, régnait alors une ambiance effroyable, lourde, palpable. Ce n’était pas à cause de l’Halloween. Enfin, pas seulement. Cette ambiance n’a pas disparu depuis. Au contraire, elle a empiré. Elle s’est gonflée et s’est gravement alourdie.
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Depuis la réélection du président orange, le 5 novembre dernier, on appréhendait le pire. Pendant des semaines, ce fut le calme plat. Un calme grisâtre, lourd et assourdissant avant la tempête trumpiste. Or, le pire est arrivé. Il est là, devant nous, confortablement installé à la Maison-Blanche. Et ça ne fait que commencer. Il faudra prendre notre mal (de vivre) en patience. C’est long, quatre ans. Et il parlera encore très longtemps.
Cet être immonde et narcissique à souhait occupe toute la place médiatique, inonde nos pensées, monopolise l’état d’esprit du monde entier. Comment est-ce possible ?
Depuis sa réélection, il y a comme une odeur de dictature dans l’air, en plus de cette écœurantite aiguë, un nuage constant dans la tête, une confusion mentale en permanence, une grande fatigue flanquée d’un irrépressible et perpétuel besoin de dormir. Dormir est aussi un moyen de fuir la réalité sans avoir à courir. Comme s'évanouir. Ne plus l’entendre, ne plus rien écouter, survivre et fonctionner dans le déni. Un aveuglement plus ou moins volontaire. « Le grand épuisement », écrivait déjà, en novembre dernier, la chroniqueuse Élisabeth Vallet. Un épuisement par saturation. Oui, ça va être terriblement long.
Parle-t-on trop du président orange mégalomane, menteur, abuseur, intimidateur, criminel, et le reste, se demandent certains ? Évidemment. Mais comment faire autrement ? Cette logorrhée remplie de mensonges, de faits alternatifs et de propos grossiers a des conséquences, de véritables répercussions sur le monde entier.
Or, pendant ce temps, pendant que toute notre attention se porte sur cet être exécrable, dangereux et instable, nous ne parlons pas du reste. Nous ne parlons pas d’autres sujets qui marquent ou qui ont marqué récemment l’actualité. Nous ne parlons pas de ces femmes contrôlées et exploitées sexuellement sur les tapis rouges. Nous ne parlons pas des boys clubs de l’opinion dans les médias québécois. Nous ne parlons pas de pauvreté, de la crise du logement, ni d’environnement, de politique québécoise, du recul du français à Montréal, etc., bref, pendant ce temps, nous n’avançons ni ne réglons rien chez nous, au Québec.
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En novembre dernier, au lendemain de la réélection du président narcissique orange, alors que je me tapais une solide dépression post-parTrump, plusieurs personnes que je croise régulièrement étaient pour leur part, elles, enchantées du résultat. Le président orange leur paraissait alors l’homme fort, l’homme de la situation. Cet homme d’affaires aguerri allait faire le ménage, mettre un frein à tous ces dérapages de la gauche, booster l’économie, régler les pétrins et les soucis, etc., etc.
Aujourd’hui, pourtant, ces mêmes personnes ont la chienne et crient à l’indécence et au scandale économique. « Mais que se passe-t-il ? Il nous fait la guerre ! » « Oui, Madame ! Vous vouliez un cruel clown instable à la Maison-Blanche, pas vrai ? Eh bien, maintenant, enjoy the freakin' circus ! »
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Photo : Sylvie Marchand, vitrine d’Halloween, Plaza St-Hubert, Montréal, 31 octobre 2024.