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Lee Miller, le film


Saviez-vous que cette femme, Lee Miller (1907-1977), photojournaliste durant la Seconde Guerre mondiale, avait pris son bain dans la baignoire d’Hitler à Munich le jour même qu’il se donna la mort par suicide à Berlin le 30 avril 1945? 

Oubliez les critiques (techniques) du film et courez vite voir ce long métrage troublant et immensément touchant, Lee (2023), en salle présentement. Il faut absolument découvrir cette femme incroyable, brillante, talentueuse et extrêmement courageuse, Lee Miller, qui (non, madame) n’avait pas froid aux yeux. 

Basé sur le livre de son fils, Antony Penrose, The Lives of Lee Miller, publié en 1985, et réalisé par Ellen Kuras, ce film est porté avec brio par Kate Winslet, qui non seulement perce l’écran dans le rôle de cette correspondante de guerre, mais qui en est aussi la coproductrice. L’actrice britannique incarne à merveille cette photojournaliste américaine intense, frondeuse, déterminée et impertinente – à qui elle ressemble étrangement, d’ailleurs.

L’éternel parcours des combattantes

Pour la petite histoire, ce film a pris plus de neuf années avant de voir le jour, en raison du même sempiternel obstacle auquel a dû maintes fois se heurter Elizabeth « Lee » Miller elle-même, au cours de sa vie et de sa carrière en général : le (maudit) sexisme partout. Oui, monsieur, des mythes, des biais et des préjugés sexistes plein la route. 

Une femme peut-elle être correspondante de guerre ? Une femme a-t-elle le droit d’entrer dans un endroit bondé d’hommes ou encore d’aller au front ? Ou même juste être photographe, mettons ? … Idem 75 ans plus tard : Une femme est-elle capable de produire un film, de raconter une vraie histoire, de réaliser un long métrage, de trouver du financement ? Bref, les femmes doivent sans cesse recommencer, se battre, lutter, s’acharner (comme des malades) et marteler essentiellement le même message – oui, on est capable, simonac ! – juste pour prendre leur place. La place qu’elles désirent prendre, qu’elles souhaitent occuper, comme n’importe quel homme le ferait, bordel... Non, on n’a pas fini de vous emmerder. 

Or, c’est précisément en mettant en scène l’histoire de cette femme, la vie tumultueuse et éclatée de Lee Miller, qui vécut multiples chapitres de vie au cours de ses 70 ans, que ce film est encore une autre belle démonstration, une preuve irréfutable dis-je, qu’il faut des femmes partout, dans toutes les sphères de la société afin de montrer la réalité des femmes, de mettre en lumière leur vision, leur perception du monde, leurs histoires, leurs réalisations ainsi que les innombrables obstacles qu’elles rencontrent en cours de route. 

À la fois une femme profondément blessée, furieuse et insoumise, une artiste sensible et une véritable humaniste, Lee Miller portait un regard unique sur le monde qui l’entourait, avec toutes ces horreurs, durant cette épouvantable guerre comme ailleurs. Sa vie, son travail et ses œuvres photographiques en sont la preuve, une autre extraordinaire démonstration. 

*** 
À lire (en anglais) : When Lee Miller Took a Bath in Hitler’s Tub (The New Yorker, jan. 2024) 

Image : capture d’écran

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