Passer au contenu principal

Élections Québec : tout le monde perd


On l’oublie trop souvent, mais on est vraiment chanceux de vivre dans une société libre, paisible et démocratique. Contrairement à bien des endroits dans le monde, on a droit, nous autres, à de vraies élections. Pas à une mascarade, à un spectacle, une mise en scène montée de toutes pièces par l’État et arrangée avec le gars (barbu) des vues, et dont le résultat est déjà connu d’avance… Enfin, presque. 

3 octobre 2022 

Lundi soir, la Coalition avenir Québec va remporter cette autre élection. François Legault sera de nouveau le premier ministre du Québec. Avec quelque 37% des votes seulement, son parti pourrait « quand même rafler plus de deux-tiers des sièges » à l’Assemblée nationale – lire L’urgence de réformer le mode de scrutin (Journal de Montréal, 2 oct. 2022). Ce n’est pas rien. Mais ça passe. Ça passe encore.  

Non, personne ne se bat dans les rues (ni dans l’autobus) pour réformer le mode de scrutin, et on nous prend vraiment pour des cruches (hormis quelques intellectuels bien sûr) (Mode de scrutin : le cynisme de M. Legault). 

C’est pas sérieux 

En 2018, les prédictions électorales et les sondages étaient complètement dans le champ, erronés, à côté de la traque – et en passant, y a-t-il un site plus insupportable à consulter que Qc125 ? Bref, j’ai appris ma leçon et, cette fois, j’ai moi-même mené mon propre sondage dans Hochelag’, ma circonscription. J’ai tâté le pouls de quelques citoyens ici et là, pour entendre leurs motivations. Loin d’être scientifique ou représentatif – et encore moins neutre (je milite toujours un peu en même temps) –, c’est tout de même éclairant de savoir ce qui pousse certains électeurs à se rendre aux urnes. 

À la Place Valois, par exemple, il y a un certain M. Legault qui vote pour Legault parce que, évidemment, ils ont « le même nom ». « O.k. » 

L’autre à côté, lui, vote pour la CAQ parce qu’il veut son « cadeau de Noël de 500 piasses » promis pour décembre. Loin d’être objective dans ma démarche (basée entièrement sur la curiosité mal placée et l’effronterie), j’interviens pour lui dire que ce n’est « ni un cadeau de Noël », « ni 500$ ». On s’astine quelques minutes pis je passe à l’autre. 

Lui, il ne veut pas révéler pour qui il vote. « C’est parce qu’il vote conservateur », lancent certains. (Les intentions de vote pour le PCQ seraient donc sous-estimées. C’est aussi mon avis. Quoi qu’en disent certains analystes et journalistes, Éric Duhaime est un redoutable politicien et communicateur qui touche une corde sensible d’une tranche importante de la population.) 

Gaétan à côté veut lui aussi son « cadeau » de 600$ de la CAQ, et il ajoute que, pour « gagner » ses élections, il doit voter pour le parti qui a le plus de chance de remporter, de « rentrer ». Alors voter pour un autre parti, pour d’autres raisons, c’est bien beau, c’est bien joli tout ça, mais « ton vote est perdu ».  

D’ailleurs, en apprenant mon choix (peu stratégique), ils me font tous la leçon : 

« Y’rentrera jamais, ton gars ! » (J’omets délibérément, ici, les mots qui suivirent que j'estime, hum, disons seulement, "inappropriés".) 

« Peut-être, mais je vote par conviction, moé ! », leur rétorquais-je le poing haut dans les airs. 

« Pfft ! », me lancent-ils tous en chœur. (Je crois que ça voulait dire : « Mais quelle idiote, celle-là ! Quelle idéaliste, câlice ! » 

Vive la démocratie ? 

Dans certains pays, des militaires et des gendarmes armés de mitraillettes encerclent les bureaux de scrutin, afin de s’assurer que tout le monde vote du « bon bord ». Ici, c’est beaucoup plus simple et, surtout, plus pacifique : on achète indirectement notre vote. On nous l’explique d’entrée de jeu, en plus, dès le début de la campagne électorale, question d’être vraiment clair et transparent, que « si on est reporté au pouvoir » en octobre, on va nous envoyer « des chèques » en décembre. (Et tiens, la veille des élections, qui plus est, on nous le rappelle encore – Lire Legault appelle au vote: "Dès le mois de décembre, on va vous envoyer un chèque de 400$ à 600$", Journal de Montréal, 2 oct. 2022)

Après le « Papa Legault » pandémique, « continuons » avec la nouvelle version d’un Québec gagnant de « Père Noël Legault ». C’est de toute beauté. Enfin, presque. 

Joyeuses élections tout le monde.

Messages les plus consultés de ce blogue

Comme une écœurantite aiguë

  Il n’avait pas encore été assermenté qu’on était déjà tanné, épuisé, saturé. La campagne électorale américaine fut longue et, en réalité, il n’avait pas vraiment cessé de parler depuis sa défaite en 2020 et son coup d’État raté du 6 janvier 2021, l’assaut du Capitole.  C’est une sorte de diarrhée verbale qui ne finit plus de couler, de miner notre existence, de salir et d’empester notre vie au quotidien. Par moments, il est même difficile de respirer profondément.  Le 31 octobre dernier, quelques jours avant les élections américaines, régnait alors une ambiance effroyable, lourde, palpable. Ce n’était pas à cause de l’Halloween. Enfin, pas seulement. Cette ambiance n’a pas disparu depuis. Au contraire, elle a empiré. Elle s’est gonflée et s’est gravement alourdie.  ***  Depuis la réélection du président orange, le 5 novembre dernier, on appréhendait le pire. Pendant des semaines, ce fut le calme plat. Un calme grisâtre, lourd et assourdissant avant la tempête ...

«La Belle au bois dormant», y a-t-il une critique de danse dans la salle ?

«  Sur les planches cette semaine  » …  «  La Belle au bois dormant  est un grand classique et, en cette époque troublée, anxiogène, la beauté des grands classiques fait du bien à l’âme. Particularité de la version que présentent les Grands Ballets à la Place des Arts cette année : c’est un homme (Roddy Doble), puissant, imposant, sarcastique, qui interprète la fée Carabosse, comme l’a voulu la grande danseuse et chorégraphe brésilienne Marcia Haydée » écrit la journaliste Marie Tison, spécialiste en affaires, voyage et plein air dans La Presse .  Qu’est-ce qui est pire ? Une compagnie de ballet qui produit encore des œuvres sexistes et révolues ? Un homme qui joue le rôle d’une femme (fée Carabosse), rôle principal féminin usurpé à une danseuse ? Ou une journaliste qui ne connait absolument rien ni à la danse ni aux œuvres du répertoire classique, incapable du moindre regard ou esprit critique, qui signe constamment des papiers complaisants de s...

Scandale culturel - dossier

S’il s’agissait d’une compagnie minière, on parlerait de contamination des sols, de pollution de l’air et des rivières, d’exploitation des femmes, etc. Mais puisqu’il est question d’une compagnie de ballet, on y voit que du feu, des tutus et d’étincelantes paillettes. Voici l’histoire (inachevée) d’une institution québécoise élitiste et racoleuse qui ravage notre culture, tout en recevant des fonds publics. Bienvenue au pays d’Oz. La mise en scène, ou, les coulisses du sous-financement culturel  Le récit débute peu de temps après le tsunami économique provoqué par les bandits de Wall Street : « … au beau milieu de la récession qui suivit la crise de 2008, Raymond Bachand se fit le promoteur d’une nouvelle "révolution culturelle". Rien de moins! Celle-ci visait le rapport entre le citoyen et l’État et consistait d’abord à habituer le premier – car la culture est beaucoup une question d’habitude – à exiger moins du second pour qu’il développe le réflexe de chercher...

8 mars, voir rouge à Montréal (photos)

Il y avait des femmes, des hommes, des enfants, des chiens. Il y avait des messages, de la rage, des spécialistes de politique américaine. Il y avait des chants, des performances, des costumes pis des pancartes. Il y avait de tout, quoi. Même de l'espoir...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, manif 8 mars 2025, devant le Consulat des États-Unis à Montréal. Fil de presse  :  Des chaînes humaines formées à travers le Québec  Pour dénoncer Donald Trump: manifestations à travers le Québec   Des Québécoises réunies contre les politiques de Donald Trump Des chaînes humaines pour défendre les droits des femmes et s'opposer à Trump

Faire bouger le monde. N'importe comment.

Casse-Noisette s'en vient et les nombreuses publicités qui ont envahi la ville de Montréal depuis quelques semaines provoquent chez moi de l'urticaire, en plus d'une forte bouffée de chaleur frôlant la syncope. Non, ce n'est pas la ménopause (je vous emmerde), mais toutes les insidieuses opérations de marketing qui rognent notre culture, notre langue et notre pouvoir décisionnel me font clairement voir rouge. Je ne parle pas du spectacle lui-même - ni de  « l'accommodement   » du pauvre gérant de la boutique Adidas  ou même de la scandaleuse entente de Mélanie Joly avec Netflix -, mais bien du  Boys Club  des Grands Ballets canadiens de Montréal. Oui, oui, la compagnie de ballet classique à l'image féerique. Une autre belle illustration de la suprématie machiste, exemple parfait qui pourrait servir au cours universitaire «  Marketing  patriarcal et instrumentalisation des femmes   », s'il en était un. En gros, le concept es...