La lune de miel entre le peuple québécois et notre premier ministre, élu en 2018, ne semble pas vouloir s’estomper. On le sait, François Legault est au sommet de son art. Non seulement il domine toujours dans les sondages, mais rien ne semble pouvoir déloger la CAQ en prévision des prochaines élections – (Lire Qui arrêtera la CAQ en 2022?, L’actualité, 7 oct. 2021).
En plus de bénéficier d’un taux de satisfaction particulièrement élevé au sein de la population en général, François Legault incarne le politicien, voire le chef idéal, parmi tous les leaders de parti : « François Legault est perçu comme le meilleur candidat pour le poste de premier ministre du Québec parmi les chefs de parti, et de loin. »
Mais qu’est-ce que ça prend, au fait, pour être un « bon chef » au Québec ?
Psycho-101 : profil d’un bon PM
Ensuite, le Québécois moyen souhaite voir un homme mature – pas un p’tit jeune avec une face de bébé et une voix désagréable. Non, non. Ça prend un visage mature et rassurant, une belle voix grave, masculine, autrement dit, un mâle « traditionnel », qui fait assez viril pour nous défendre, capable de se battre au besoin, mais pas trop, surtout pas un faiseur de troubles. C’est pour que cette raison bien précise que le porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas près d’être PM au Québec, son image de gauchiste militant, « carré rouge », faiseur de trouble et tête dure (soulignons au passage que son essai s’intitulait Tenir tête) lui collant toujours à la peau. Plusieurs citoyens n’en démordent tout simplement pas.
Maintenant, ça prend aussi un bel homme : un joli visage, des beaux yeux, des traits amicaux, un joli sourire, etc. Sinon, une méga personnalité charismatique, un charme à tout casser qui dépasse l’entendement (aka, the IT Factor).
Ensuite, il faut une belle personnalité, un homme capable de bien parler (mais pas trop intello), d’avoir des belles connaissances (bis) et de socialiser en masse. Ça, les Québécois adorent ça, le placotage et le mémérage de village – « Ahhh, salut Ginette! ». Icitte, on aime la familiarité. « Avec qui aimeriez-vous aller prendre une bière? », demandent les sondeurs. Et quel autre chef de parti, en ce moment, serait capable et à l’aise de piquer une jasette avec n’importe qui, dans n’importe quel village ? Personne. Surtout pas Mme. Anglade, la cheffe du Parti libéral, pas assez joviale pour les Québécois.
Finalement, ça prend aussi un homme compétent, consensuel et rassembleur. Au Québec, on n’aime ni les conflits, ni les divisions, ni les confrontations. Et donc, même si le chef du Parti conservateur du Québec Éric Duhaime arrivait demain matin avec des propositions extrêmement intelligentes pour le Québec, l’homme, lui, ne conviendrait pas au Québécois moyen. Sa personnalité apparait beaucoup trop conflictuelle.
Autrement dit, ça prend un « bon père de famille » bien de chez nous, un chef qui représente l’incontournable figure paternelle de la nation, capable de diriger la petite famille québécoise, avec un bon fond de culpabilité judéo-chrétienne. Et en attendant de voir un autre chef incarnant toutes ces qualités tant convoitées, M. Legault continuera de trôner dans les sondages.
Forces et faiblesses
Bien entendu, M. Legault possède aussi des forces et des compétences, entre autres, en économie, comme le souligne le chroniqueur politique : « Si le pire de la pandémie est derrière nous, la reprise économique dominera probablement l’agenda gouvernemental au cours de l’année 2022, ce qui, en théorie, devrait jouer en faveur de François Legault. » Certes.
« Alors, qu’est-ce qui pourrait arrêter la CAQ ?, poursuit l’auteur. Considérant que la complaisance et l’arrogance peuvent surgir lorsqu’un gouvernement se sent trop à l’aise, peut-être que la CAQ est son propre pire ennemi en cette année électorale qui débutera bientôt. »
Peut-être. Mais permettez-moi de douter que « la complaisance et l’arrogance » s’empareront de M. Legault, comme ce fut le cas avec les libéraux sous le règne immensément abusif et condescendant de Jean Charest.
Non, ce qui pourrait possiblement miner la domination de la CAQ serait, ou bien l’arrivée d’un autre « mâle-alpha-modéré » (que l’on ne voit pas poindre à l’horizon pour le moment), ou bien le talon d’Achille de M. Legault lui-même et de son parti, un défi de taille qu’il ne semble pas voir ou préfère ignorer : la gestion de la crise climatique.
Et ce sont les jeunes, les très jeunes dis-je, la « génération Z-Greta », qui seront sans doute dans les pattes de François Legault durant toute l’année électorale qui s’en vient. Sans le freiner totalement, ce mouvement pourrait certainement ralentir son élan.