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Utérus et santé utérine


Ils sont présents un peu partout dans la ville. Ils ne se cachent aucunement en fait, étant munis de belles grosses pancartes repérables. Chaque fois que j’en vois un, deux ou quatre, de ces chrétiens extrémistes anti-avortement, je me gâte et leur pose la même question. 

Il y en avait quelques-uns auparavant qui se tenaient près des Promenades de la Cathédrale. Ils ont disparu depuis, ces fanatiques, sans doute en raison du coronavirus. Faut dire aussi que le centre-ville est sale, éventré, meurtri et pas mal tranquille. 

Mais cette semaine, il faisait beau, et en traversant la ville à pied d’ouest en est, j’en ai aperçu trois au coin de Ste-Catherine et Berri, la chance. J’ai beau insister au fond de moi-même – « Laisse tomber, ma vieille ! Ça ne vaut pas la peine » –, mais c’est plus fort que moi, et clairement, ça vaut la mienne. 

« Vous avez un utérus, vous autres, messieurs ? » 

Et là, ça démarre. On me balance habituellement la même chanson : « Non madame, mais j’ai un cœur, moi, tu vois ! Un cœur rempli d’amour… » Et tout de suite après je décroche puisqu’on me parle d’amour, de Jésus, de Dieu, de la force de la Création et blablablablablablabla… 

Ils se sont animés avec leur pancarte, leur chapelet et leur gigantesque croix en bois – un énorme crucifix, oui, au coin de Berri –, et moi, je leur jette chaque fois la même chose au visage : « Lorsque vous aurez un utérus, messieurs, lorsque VOUS pourrez enfanter, vous viendrez alors dire aux femmes quoi faire. D’ici là, mêlez-vous de vos affaires ! » 

Ils ont commencé à s’énerver, à gesticuler et lorsque j’ai senti qu’un terrible exorcisme sur ma personne allait débuter, qu’ils étaient sur le bord de sortir l’eau bénite afin de m’en asperger, je leur ai alors tourné le dos et les talons tout en levant fièrement mes majeurs bien haut dans les airs, oui, oui, les deux. (J’ai un utérus, deux ovaires, deux trompes de Fallope, j’ai le droit.) 

J’ai traversé Berri ainsi, les doigts d’honneur bien en évidence, avec une posture élégante tout de même, comme on sort de scène, la tête haute, le dos large, les épaules dégagés, sous le regard inquiet de quelques automobilistes aux feux rouges. Mais que voulez-vous, on est à Montréal. 

« Fuck’em all ! » 

J’ai vraiment hâte de voir ce qu’il se passera lorsque je croiserai une femme dans leur rang. 

La santé utérine 

Quelques jours plus tôt... 

« Alors donc, doc, si j’ai bien compris ce que j’ai lu là-dessus jusqu’à présent : les fibromes sont des tumeurs utérines bénignes qui se forment dans l’endomètre affectant 50% de femmes blanches et 70 % de femmes noires – on peut donc dire que c’est très courant, non ? –, et pourtant, je n’ai jamais entendu parler de ça auparavant. Est-ce un sujet tabou, les fibromes, doc ? 

- Toute la santé féminine est taboue », m’a répondu la doc en question sans hésiter un seul instant. 

Alors qu’on le sache et qu’on se le dise, des hommes, de parfaits inconnus peuvent se promener en pleine rue et dire aux femmes quoi faire en cas de grossesse en brandissant des pancartes avec des photos de fœtus dans un utérus « Enceinte? Besoin d’aide ? », mais la santé utérine, elle, demeure un sujet tabou dont on parle en catimini, expression qui proviendrait du terme menstrues en passant. 

Il y a de quoi voir rouge, non ?

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