Car bien des gens ont décroché depuis l’été dernier. Ils sont saturés, écœurés, fatigués, fermés, hermétiques, se tiennent loin des points de presse du PM et de la Santé publique, de l’actualité, des chiffres, des statistiques.
« As-tu vu les chiffres d'aujourd’hui, le nombre de cas de COVID-19 au Québec ?, demandais-je ici et là pour connaître le nombre de cas après 11h, n'ayant pas d'Internet sur mon maudit cellulaire.
- Non, je ne regarde plus ça. J’ai décroché, pu capable », me répondent-ils tous, jour après jour.
On me dira qu’il s’agit là d’un « échantillon peu représentatif » de la réalité. Évidemment. Ce n’est pas un sondage ou une étude clinique en bonne et due forme, c’est simplement une observation parmi d’autres, une image capturée dans le paysage urbain.
N’empêche, force est de constater que bon nombre de citoyens, qui suivaient pourtant religieusement les points de presse du trio gouvernemental au printemps dernier, ont complètement fermé leur canal de communication. Plus rien n’entre, ou presque, dans leur mental, juste le strict minimum.
Ne plus rien voir, ne plus rien savoir, ne plus rien entendre. Ils regardent ailleurs, maintiennent fermement leur tête dans le sable, focusent sur leur télétravail, se concentrent sur leur longue liste d’achats à faire en ligne, leurs jolis projets d’amélioration domestique, leur petit nombril, leur confort altéré. Ce n’est pas facile, l’inconfort et les restrictions.
Voulant à tout prix échapper à cette pandémie, certains avaient même planifié des activités en groupe pour les Fêtes, acheté des billets d’avion pour Noël, croyant que tout cela serait enfin terminé, derrière nous, de retour à la vie normale… « Hein ? Noël ? Ben voyons donc, on en a jusqu’à 2021… minimum ! »
Mères ou pères de famille en télétravail, retraités, personnes âgées, fonctionnaires, jeunes bobos et gens branchés, nommez-les, plusieurs ont décroché de la dure réalité pandémique, de ce monde externe devenu trop oppressant. Ils s’en tiennent à leur nouveau train-train quotidien.
« Pu capable », « trop lourd », ils veulent juste « du positif », entendre des « bonnes nouvelles » … Lesquelles ? Fouillez-moi. Ils s’accrochent désespérément aux couleurs de l’arc-en-ciel, au bel été qu’ils ont passé, même si on est clairement rendu à l’automne. Non, ça ne va pas bien. C’était prévisible depuis le début. C’est une pandémie, sapristi !
Et donc, pour survivre, certains préfèrent encore le déni, l'aveuglement volontaire, le décrochage mental, alors que d’autres veulent tout savoir. C’est le rôle des artistes d’ouvrir les yeux, de regarder la réalité en face, d’observer la société dans laquelle on évolue, telle qu’elle est, pour mieux la comprendre, l’analyser, la décortiquer, la transposer, la sublimer.
En passant, Radio-Can a de nouveau débrouillé sa chaîne d’information en continu RDI. Yé! (« Quoi qu’il arrive », sauf pour les pauvres) Car nous autres, on en veut, de l’information. On en mange, de l’actualité, les deux pieds dans la marde et la précarité. Mais ça, c’était un fait qui existait AVANT la pandémie. On a donc une longueur d’avance d’esprit sur les autres, une préparation psychologique pré-pandémique. L’inconfort et les restrictions, on connaît ça.