« Noooooon ! » Mais dès le lendemain, notre PM (tant aimé du peuple québécois) François Legault corrigeait le tir : on pourrait encore emprunter des livres. « Yé ! »
Je me suis néanmoins empressée de réserver plusieurs titres, de peur qu’il change d’idée et de me retrouver sans bouquin pendant des mois comme ce qui fut le cas durant le Grand Confinement – j’ai lu le même livre trois fois.
Je suis donc allée chercher ces précieuses réservations. Et laissez-moi vous dire que ce fut la totale, mesdames et messieurs, en matière de sécurité.
D’abord, il vous faut réserver vos livres à distance, grâce à votre dossier et votre carte de membre, pas moyen de fouiller ou de bouquiner sur place, en
« présentiel ».
Une fois la confirmation des livres réservés reçue, vous vous présentez (masquée) à la porte principale où un commis de la bibliothèque (masqué lui aussi) vous interroge :
« C’est pour un retour ?
- Non, je viens chercher mes réservations.
- Vous avez reçu une confirmation ?
- Oui, mon cher monsieur.
- D’accord, c’est bon, vous pouvez y aller.
Vous pouvez alors procéder…
Vous ouvrez la porte principale de la Grande Bibliothèque derrière laquelle se trouve une agente de la sécurité qui vous questionne, à deux mètres de distance, juste à côté du désinfectant obligatoire :
« Vous avez des symptômes de la COVID-19 ? Toux ? Fièvre ?
- Rien, madame, je vous le jure !
Elle vous ajoute alors à son compteur de personnes, « clic ». C’est bon, vous pouvez procéder…
Vous pénétrez ensuite dans ladite bibliothèque où un autre commis vous indique de passer au comptoir avec votre carte. Cet autre employé vérifie que vous avez bel et bien des livres réservés, que ce n’est pas juste du niaisage, votre affaire.
- C’est bon vous pouvez vous rendre dans la section "réservation". Et gardez votre carte de la bibliothèque dans la main…
- D’accord.
Vous procédez…
Des lignes claires et des belles flèches blanches tracées au sol vous mènent droit à un autre commis de la bibliothèque, installé derrière une autre table et un autre plexiglass qui bloque le passage habituel vers les rayons « réservations » pendant qu’une autre employée, elle, surveille, s’assurant sans doute que vous ne gossez pas à gauche ou à droite. (De toute façon, il n’y a plus rien, pas de mobilier, pas de chaise, pas de table, pas de livre, rien. Ils ont tout retiré.)
« Bonjour, je viens chercher mes réservations. J’ai déjà été contrôlée, monsieur, je vous l’assure. »
Pas de joke à faire ici, svp, c’est du sérieux. Monsieur va chercher les livres qu’il vous remet de l’autre côté des rayons, question de former ainsi une boucle de circulation et non de revenir sur vos pas.
« Merci ! »
Vous suivez à nouveau les flèches, ce long corridor sécuritaire tracé au sol vous menant maintenant droit au comptoir d’emprunt avec un autre employé derrière son plexiglass qui procède à la transaction. Pas de poste d’emprunt autonome disponible. C’est fini, le libre-service.
« C’est de la sécurité, ça, monsieur, non ?
- Ouais.
- Pas de niaisage, on est en zone rouge.
- (…)
- Vous vous sentez en sécurité, vous, monsieur, à travailler dans ces conditions?
- Oui, très en sécurité.
- Good. Parfait. Merci à vous et bonne fin de journée.
Vous pouvez maintenant procéder vers la sortie…
Une autre agente de sécurité est là, à la porte, et s’assure que vous quittez bel et bien la bibliothèque en suivant correctement les flèches, tout en cliquant sur son compteur de personnes – « clic ! »
« Merci et bonne fin de journée ! »
Vous pouvez maintenant procéder vers la vraie porte menant à l’extérieur…
« Heille, c’est de la sécurité, cette bibliothèque en zone rouge, pas vrai ?, lançais-je à cette autre employée de la sécurité, à côté de la sortie officielle.
- Oui madame.
- C’est super. Merci à vous et bonne fin de journée ! »
Une fois sur le trottoir, en quittant cet édifice hautement sécurisé, je pensai à ce périple à Cuba, à Guantánamo – pas la base militaire elle-même bien entendu, mais la ville sur le territoire cubain –, d’où émerge une longue route ponctuée de nombreux postes de contrôle alors que vous tentez de vous rendre à Caimanera, village « frontière » avec la base militaire américaine, séparée par une baie. Bonne chance.
Mais en attendant de repartir à la découverte du monde et de ces endroits insolites, ne fermez surtout pas les bibliothèques publiques. Car, pour plusieurs d’entre nous, c’est présentement notre seul vrai contact avec le monde externe, notre unique lien avec la bulle d’un autre être humain, tout comme notre seule possibilité de voyager en toute sécurité.