Ça s’est passé l’année dernière, durant une belle grosse manif fort populaire, celle des travailleuses et des travailleurs. Je distribuais alors mes tracts à qui mieux mieux, tout en essayant de repérer et d’intercepter les grosses têtes d’affiche, des députés, des journalistes et quelques intéressés.
Après lui avoir résumé mon « gros dossier » "de l’époque", le député en question, scandalisé lui avec, m’a demandé d’un coup sec :
« Vous êtes qui, vous ?
- Je suis une guerrière, mon cher monsieur ! », ai-je rétorqué sans hésiter.
Lui et la personne qui l’accompagnait alors ont éclaté de rire, me regardant droit dans les yeux. J’étais pourtant très sérieuse. Je n’essayais même pas d’être drôle – c’est un talent inné, naturel apparemment (kof, kof) –, je lui ai simplement et spontanément révélé le fond de ma pensée.
Car il n’y a rien de plus sérieux, chers amis, qu’une guerrière en colère qui dénonce une injustice sociale, sociopolitique, socio-politico-économique, bref, quelque chose qui ne tient pas la route… surtout si elle provient d’un arrogant et condescendant boys club instrumentalisant les femmes.
Et c’est ce que je souhaite à mon peuple. Non pas le malheur ou une injustice – ce ne serait vraiment pas bon pour mon karma – mais juste de la colère, du mécontentement, de l’inconfort.
Mon peuple est tellement confortable dans sa petite vie bien rangée, individualiste, matérialiste, qu’il s’est assoupi dans son gros « Lazy-boy » mental et matériel, et tolère, sans mot dire, tout ce qui se passe autour de lui… Silencieusement, confortablement.
Or il n’y a rien dans la vie comme l’inconfort et le mécontentement pour faire bouger le monde. Il n’y a rien comme subir un tort, un préjudice, une injustice pour avoir envie de se lever, de se battre, de dénoncer, de réclamer justice. Il n’y a rien comme la colère et la frustration pour désirer ardemment changer les choses comme la situation.
« Pour faire une omelette, il faut casser des œufs », disait Freud. Toute transformation, aussi subtile soit-elle, exige un point de rupture, de cassure, de brisure.
Tout changement réel naît nécessairement d’un méchant inconfort, d’une profonde insatisfaction, d’une puissante inégalité, d'un simple sentiment de mécontentement. Et c’est ce que je souhaite à mon peuple, bien simplement : l’inconfort.
L’animateur américain Bill Maher ne cesse de répéter, à son émission, depuis des mois, qu’il espère une récession dans son pays, d’ici les prochaines élections. Évidemment… Ça se comprend. L’inconfort, l’insatisfaction, la frustration du monde, ça mobilise des électeurs.
Et la mobilisation des forces agressives vitales surgit seulement, chez les organismes vivants, lorsqu’il y a atteinte à ce confort, à son bien-être, sa tranquillité d’esprit, son espace, ses droits, ses libertés, ses acquis.
Voyez-vous ça, à Hong Kong ? C’est ce qu’on appelle de la mobilisation, du vrai pouvoir citoyen… Et le prix, dans leur cas, le risque, est particulièrement élevé, n'est-ce pas ?
Pour mener une guerre, chers amis, pour faire une vraie Révolution avec un grand R, ça prend forcément de la colère, exprimée, extériorisée, bien canalisée... De l’inconfort pour tout le monde, svp.