À quelques mois des élections, et après un long suspense, M. Alexandre Taillefer affiche finalement ses couleurs politiques : « Je confirme que je serai le président de la campagne électorale pour le Parti Libéral du Québec. Pas une décision facile mais elle s'impose par l'importance des enjeux. Les positions progressistes de Monsieur Couillard me rejoignent. Merci de commenter respectueusement. », a-t-il annoncé sur son compte Twitter.
Pas besoin de souligner que les commentaires suivant cette annonce
coup-de-poing-sur-la-gueule-des-vrais-progressistes étaient loin d’être
élogieux, mais néanmoins respectueux, ou presque. Progressistes les positions
de Couillard? I don’t think so…
En janvier 2017, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, M. Taillefer affirmait qu'« … il est
temps aujourd’hui qu’on revoit la façon de faire, la façon de gouverner et [de]
s’assurer qu’on mette dans les postes-clés les bonnes personnes, les gens qui
connaissent leurs dossiers », vantant par là même la valeur de Mme Manon
Massé de Québec solidaire, « un actif que le Québec sous-exploite… ».
En février dernier, il joignait de plus sa voix au Mouvement démocratie nouvelle - en soi une bonne nouvelle - qui souhaite réformer le mode de scrutin électoral alors
que le parti libéral n’en veut pas… Solidaire, M. Taillefer ? Péquiste ? Pas si
vite, il est fédéraliste.
Dans son texte Sortir du garde-robe – chronique qui s’intitulait
De la main gauche en passant, mais peut-être est-il simplement gaucher et non
gauchiste, je ne l’ai jamais vu écrire -, M. Taillefer appuyait clairement une amie
de longue date libérale, tout en admettant être de l’extrême centre.
Ces deux
mots évoquent inéluctablement le billet de M. Alain Deneault, L’extrême centre mou (bis) : les fils blancs d’Alexandre Taillefer dans lequel il écrit : « Les
fadaises idéologiques ont ceci d’avantageux pour les opulents qui les
prononcent qu’on met peu de temps et d’efforts à les exprimer, mais beaucoup
plus à les démonter… Or, la loi, contrairement à ce qu’indique celui qu’on
présente pour ambitieux politiquement (et qui aspire donc à l’écrire un jour),
n’est pas tant dans nos régimes ce qui légitime la distinction entre transferts
légaux et transferts illégaux ‒ les fameux « évitement » et
« évasion » ‒ que ce qui la permet abusivement. (…) En tout, ce
sont 260 milliards de dollars que les entreprises que défend Taillefer ont
pu, s’il n’y a pas parfois directement des parts lui-même, le plus souvent
légalement, soustraire artificiellement au traitement fiscal canadien. (…)
» On
ne répétera pas aujourd’hui qu’Alexandre Taillefer via son autre grand
média, L’Actualité,
revendique explicitement l’étiquette d’« extrême centre », un
positionnement politique qui consiste moins à situer son discours sur l’axe
gauche-droite qu’à supprimer celui-ci au profit d’une position intolérante
consistant à disqualifier de facto tout ce qui ne coïncide pas avec ses
intérêts. Pour ce faire, être riche ne suffit pas pour persuader autrui de ses
vues ‒ l’argent n’a jamais acheté l’intelligence. Il faut posséder
soi-même des médias et les utiliser pour distribuer les étiquettes mélioratives
ou diffamantes, selon les sujets. Plus on se montrera docile avec le discours
intéressé des puissants, plus on se verra qualifié de moderne, pondéré,
raisonnable, rationnel, normal et même courageux. »
Doit-on être
surpris, donc, de l’étalement politique de M. Taillefer, de ce « bric-à-brac
idéologique » comme l’écrit plus loin Alain Deneault ? M. Taillefer l’a lui-même
révélé, il est un « queer politique ». Ses ambitions politiques ne font
aucun doute, et en attendant le départ de M. Couillard, M. Taillefer joue aux échecs. Tout simplement. Un point c'est tout.
Et pour y arriver, se hisser ainsi jusqu’à la chefferie d'un parti, il est prêt à tenir des propos immondes, car « Couillard »
et « progressiste » ne vont certainement pas dans la même phrase - cette
dernière étant l’exception confirmant la règle.
C’est l’ambition à court, moyen
et long terme qui parle dans ce récent investissement de M. Taillefer – et j’irai même d’une prédiction ici, MM. Aussant et Taillefer croiseront le fer comme
chefs de parti dès 2019.
Quoi qu’il en soit, on va surveiller de très près ses moves et
agissements, car il ne faudrait surtout pas qu’il s’enfarge dans les
législations de complaisance ni la fluidité politique. Respectueusement
évidemment.