On l’a dit, féminisme a
été le mot de l’année 2017 (voir Féminisme, le mot de l’année?). Mais revenons
néanmoins sur cette « notion radicale que les femmes sont des êtres
humains ».
5 novembre 1906
Lundi 5 novembre 1906 fut un grand jour pour Marie Curie. Cette journée-là en effet, dès 13h30, Marie Curie (née Marya Sklodowska) devint la première femme professeure à la Sorbonne, étant bien entendu la seule compétente à pouvoir dispenser le cours de physique de son mari, Pierre, décédé accidentellement plus tôt cette même année.
Pour saisir l’ampleur de l'événement, il faut savoir que Marya Sklodowska avait dû quitter son pays natal en 1891 afin de poursuivre des études supérieures, interdites alors aux femmes en Pologne (Royaume du Congrès sous la tutelle russe). Pendant quelques années, Marya et de nombreuses femmes, dont sa sœur Bronya qui devint quant à elle médecin, fréquentèrent « l’Université volante », une organisation clandestine, créée et dirigée par une femme, qui dispensait des cours en polonais, utilisant différents lieux pour des raisons de sécurité.
Faut aussi dire que la famille Sklodowski était particulièrement patriotique durant l'insurrection polonaise, et déjà très égalitaire, comme de nombreuses familles polonaises à l’époque, et, à cet égard, plus progressistes que les Français, mais je m’éloigne.
Pour en revenir à cette journée historique de 1906 donc, le lendemain, mardi 6 novembre, quelques journaux mentionnèrent l’événement, notamment La Presse parisienne annonçant « Les débuts de Mme Curie » en première page.
Mais le commentaire le plus révélateur, quant au contexte dans lequel la génie Marie Curie réalisa cet exploit, est sans aucun doute celui paru dans Le Journal : « c'est […] une grande victoire féministe que nous célébrons en ce jour… Car, si la femme est admise à donner l'enseignement supérieur aux étudiants des deux sexes, où sera désormais la prétendue supériorité de l'homme mâle ? En vérité, je vous le dis : le temps est proche où les femmes deviendront des êtres humains. »
(… Je sais. La mienne aussi est tombée.)
Selon l’auteur et chimiste britannique Robert Reid, cet énoncé appartiendrait à « un admirateur » (1) présent dans l’auditorium bondé (plus de 300 personnes entassées dans un amphithéâtre contenant 200 places) où se tenait le tout premier cours de la fameuse Marie Curie - qui pour sa part n’a jamais recherché la gloire.
Manifestement les droits des femmes ont progressé au cours des 111 dernières années et des poussières (certaines radioactives). Mais peut-on réellement affirmer que toutes les femmes du monde sont aujourd’hui considérées comme des êtres humains à part entière ? Il y a toujours de quoi faire tomber les mâchoires. : :
Premier principe: ne se laisser abattre ni par les êtres ni par les événements. (2)
Marie Curie (1867-1934)
-----(1) Dans Marie Curie - derrière la légende, Seuil, 1979, p. 157.
(2) Ibid., p.34.