Au début des années 90, j'oeuvrais en santé mentale en milieu communautaire. Étudiante à temps plein, je cohabitais alors avec mon frère aîné, devenu par la suite un richissime courtier à Wall Street. Nos visions du monde étaient loin d'être similaires, c'est le moins qu'on puisse dire. À propos des gens souffrant de maladie mentale et de cette pauvreté inhérente, enchevêtrée aux problèmes de toxicomanie et d'itinérance, mon grand frère affirmait haut et fort, à qui voulait bien l'entendre : « Y'ont juste à s'prendre en main ».
La santé mentale et l'argent
Facile
à dire (le grand) quand tout se passe bien. Mais lorsque les aléas et
les coups durs de la vie "éveillent" ou précipitent certaines
prédispositions génétiques, c'est autre chose. Sommes-nous réellement
tous nés égaux, porteurs d'un bagage héréditaire que personne ne
choisit ?
Les gens qui souffrent d'un trouble de santé mentale, passager ou chronique, sont continuellement appelés à « demander de l'aide », particulièrement durant les semaines de prévention en santé mentale ou du suicide. Logique, pas vrai ? Mais où, bon sang ?
Clairement, lorsqu'une période difficile ou qu'une crise éclate dans votre vie, un suivi régulier auprès d'un.e médecin s'avère nécessaire, ou tout le moins souhaitable. « Parlez-en à votre médecin », nous répètent inlassablement les innombrables publicités de produits pharmaceutiques. Parfait, on est tous d'accord. Encore faut-il en avoir un.e. Or, en avril dernier, on estimait qu'un demi-million de Québécois.e.s attendaient toujours de trouver un médecin de famille, le délai étant de 404 à 556 jours.
Ensuite, si vous n'avez pas d'assurances, ou les moyens financiers de payer vous-même les consultations psychologiques - 100$ la séance environ? -, votre médecin fera alors une demande de soutien psychologique. Temps d'attente moyen ? Six mois... Si vous souffrez d'anxiété, de dépression, voire êtes suicidaire, bonne chance pour tenir le coup jusqu'à cet appel vital. D'ici là, vous devrez sans doute vous replier sur une ligne téléphonique d'urgence, sinon sur vous-même. Ayoille.
Si vous n'avez pas déjà abouti à l'urgence, ou n'êtes pas passé à l'acte, les services psychologiques auprès d'une "intervenante" - oubliez les psys, membres de l'Ordre - seront limités à quelque 6 ou 10 rendez-vous. Encore une fois, empressez-vous de reprendre du poil de la bête, le temps est compté.
Et si, comble de malheur, vous avez besoin d'aide financière de dernier recours durant cette crise personnelle, voire existentielle, vous devrez de surcroît demeurer actif durant une pitoyable recherche d'emploi. Peut-on pousser l'humiliation plus loin ? (Lire "Un jour sombre pour la dignité des personnes assistées sociales" - Françoise David, après l'adoption du honteux projet de loi 70 par 76 députés de l'Assemblée nationale supposés représenter les intérêts réels et véritables de la population québécoise.)
J'entends déjà au loin la critique « non, non, cela ne s'applique pas à ceux qui ont une contrainte au travail ». D'accord. Vous l'aurez (peut-être) ce précieux formulaire lorsque vous aurez (possiblement) demandé de l'aide, un jour, quand vous aurez (finalement) vu un.e médecin, laquelle contrainte sera ensuite revue et corrigée (id est ajustée à la baisse) par le Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Tout cela, sachant pourtant que 54% des bénéficiaires quittent l'aide sociale après un an. Un peu de répis, monsieur le Ministre Blais, pour les gens qui sont déjà dans la merde, ça ne vous dit pas, non ?
Printemps 2014
Les gens qui souffrent d'un trouble de santé mentale, passager ou chronique, sont continuellement appelés à « demander de l'aide », particulièrement durant les semaines de prévention en santé mentale ou du suicide. Logique, pas vrai ? Mais où, bon sang ?
Clairement, lorsqu'une période difficile ou qu'une crise éclate dans votre vie, un suivi régulier auprès d'un.e médecin s'avère nécessaire, ou tout le moins souhaitable. « Parlez-en à votre médecin », nous répètent inlassablement les innombrables publicités de produits pharmaceutiques. Parfait, on est tous d'accord. Encore faut-il en avoir un.e. Or, en avril dernier, on estimait qu'un demi-million de Québécois.e.s attendaient toujours de trouver un médecin de famille, le délai étant de 404 à 556 jours.
Ensuite, si vous n'avez pas d'assurances, ou les moyens financiers de payer vous-même les consultations psychologiques - 100$ la séance environ? -, votre médecin fera alors une demande de soutien psychologique. Temps d'attente moyen ? Six mois... Si vous souffrez d'anxiété, de dépression, voire êtes suicidaire, bonne chance pour tenir le coup jusqu'à cet appel vital. D'ici là, vous devrez sans doute vous replier sur une ligne téléphonique d'urgence, sinon sur vous-même. Ayoille.
Si vous n'avez pas déjà abouti à l'urgence, ou n'êtes pas passé à l'acte, les services psychologiques auprès d'une "intervenante" - oubliez les psys, membres de l'Ordre - seront limités à quelque 6 ou 10 rendez-vous. Encore une fois, empressez-vous de reprendre du poil de la bête, le temps est compté.
Et si, comble de malheur, vous avez besoin d'aide financière de dernier recours durant cette crise personnelle, voire existentielle, vous devrez de surcroît demeurer actif durant une pitoyable recherche d'emploi. Peut-on pousser l'humiliation plus loin ? (Lire "Un jour sombre pour la dignité des personnes assistées sociales" - Françoise David, après l'adoption du honteux projet de loi 70 par 76 députés de l'Assemblée nationale supposés représenter les intérêts réels et véritables de la population québécoise.)
J'entends déjà au loin la critique « non, non, cela ne s'applique pas à ceux qui ont une contrainte au travail ». D'accord. Vous l'aurez (peut-être) ce précieux formulaire lorsque vous aurez (possiblement) demandé de l'aide, un jour, quand vous aurez (finalement) vu un.e médecin, laquelle contrainte sera ensuite revue et corrigée (id est ajustée à la baisse) par le Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale. Tout cela, sachant pourtant que 54% des bénéficiaires quittent l'aide sociale après un an. Un peu de répis, monsieur le Ministre Blais, pour les gens qui sont déjà dans la merde, ça ne vous dit pas, non ?
Printemps 2014
Mon grand frère ne « croyait » pas en la maladie mentale. Comme plusieurs, il prétendait que tout,
dans la vie, était une question de volonté, d'ambition,
d'investissement rentable de son temps et, éventuellement, d'un retour
proportionnel aux efforts déployés. Pourtant, cela ne
l'a pas empêché de s'enlever la vie en avril 2014, 25 ans après le
suicide de notre père, aux prises tous les deux avec une dépression
majeure. Il avait 49 ans. Mon père, lui, 55.
Même riche à Manhattan, suivi par un médecin, des assurances en poche, entouré de ses enfants qu'il adorait, et malgré tous ses efforts investis dans cette vie confortable et profitable, mon grand frère n'a pas su voir la lumière au bout du tunnel. L'argent ne fait pas le bonheur, certes, il ne guérit pas non plus la dépression majeure.
Imaginez maintenant lorsque vous êtes pauvre, démuni et que vous avez faim. « Se prendre en main » ? Vraiment ? Est-ce tout ce que ça prend ?
En plus d'importants fonds et de reconnaissance envers les infirmières et toutes ces femmes qui se démènent sur le terrain de la santé et de la détresse humaine, il faudra également injecter une bonne dose de compassion et d'empathie dans notre système de santé. Mais pour cela, ne comptez surtout pas sur l'apathique et arrogant Dr. Barrette, ministre de la Santé et des Services sociaux au Québec, ce n'est pas du tout sa spécialité.
NON à la loi 70
Tous unis pour mettre fin aux paradis fiscaux
Chaque voix compte
Même riche à Manhattan, suivi par un médecin, des assurances en poche, entouré de ses enfants qu'il adorait, et malgré tous ses efforts investis dans cette vie confortable et profitable, mon grand frère n'a pas su voir la lumière au bout du tunnel. L'argent ne fait pas le bonheur, certes, il ne guérit pas non plus la dépression majeure.
Imaginez maintenant lorsque vous êtes pauvre, démuni et que vous avez faim. « Se prendre en main » ? Vraiment ? Est-ce tout ce que ça prend ?
En plus d'importants fonds et de reconnaissance envers les infirmières et toutes ces femmes qui se démènent sur le terrain de la santé et de la détresse humaine, il faudra également injecter une bonne dose de compassion et d'empathie dans notre système de santé. Mais pour cela, ne comptez surtout pas sur l'apathique et arrogant Dr. Barrette, ministre de la Santé et des Services sociaux au Québec, ce n'est pas du tout sa spécialité.
NON à la loi 70
Tous unis pour mettre fin aux paradis fiscaux
Chaque voix compte