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Votre appel n’est pas important pour nous


C’est devenu un véritable fléau. Un peu partout, dans l’espace public, de plus en plus de gens agissent comme s’ils étaient chez eux, dans leur salon ou, pire, dans leur salle de bain. Dans les transports collectifs, par exemple, il n’est pas rare de voir des gens qui se maquillent abondamment, se coupent les ongles (ark!), s’épilent les sourcils (ouache!) ou bien se pètent des boutons, carrément – « Bouge pas, Mario. Je l’ai, là ! » Aïe, aïe, aïe… Mais c’est dé-gueu-las-se ! Faites ça à la maison, bout d’viarge ! 

D’autres, eux, gèrent leur vie personnelle sous nos yeux et oreilles, comme si chaque individu était devenu une mini-entreprise. Ils règlent des gros dossiers au téléphone, tiennent des réunions virtuelles juste à côté de nous, ou encore discutent d’affaires très personnelles avec un proche ou leur médecin – « C’est positif, vous dites ? ». Bonsoir, la discrétion. Elle est partie. 

Déjà, en 2022, on notait que « près des trois quarts des humains âgés de plus de 10 ans [avaient] un téléphone portable ». Et ce nombre grandissant de téléphones intelligents crée non seulement une dépendance aux appareils portables, mais provoque par la même occasion un problème épouvantable : le bruit ! 

Immonde et ahurissant, le bruit augmente sans cesse, partout, dans les endroits publics. Dorénavant, autour de nous, se déploie un interminable vacarme, un brouhaha de sonneries de téléphone, d’alertes et d’avertissements sonores de toutes sortes (Bip! Bip! … Ding! Ding! Ding!), en plus de la musique de l’un, des vidéos de l’autre et du tintamarre des jeux en ligne – « Ding! Ding! Ding! Sweet! » … Mettez des écouteurs, bordel ! 

Mais, non. La mode, depuis quelque temps, est d’utiliser son cellulaire comme un walkie-talkie – un appareil émetteur-récepteur portatif bidirectionnel, si vous préférez –, et de parler très fort avec son interlocuteur, tout en tenant son cellulaire loin de l’oreille. Mais quel bordel ! 

Pris en otage sonore dans l’habitacle sale du métro de Montréal, plusieurs d’entre nous n’avons d’autres choix que de subir ces innombrables conversations téléphoniques en mode haut-parleur – alors que, disons-le franchement, nous ne l’avons nullement choisi. Même que bon nombre d’entre nous refusons de vivre ainsi. Non seulement on ne veut pas savoir ce qui se passe dans votre vie, mais on trouve ces conversations en mode haut-parleur ridicules et insupportables. On n’est pu capable. 

Que vous soyez « obligé » de répondre à ces appels en raison de votre travail, que vous soyez dépendant à votre téléphone intelligent ou obsédé par la crainte de manquer quelque chose d’important, c’est votre affaire. Mais pourquoi, diantre, devons-nous subir les conséquences de vos choix et endurer ce bruit immonde et ces interminables conversations insignifiantes. « J’te jure qu’il a dit ça, l’boss ! Mais quel con ! » … « Veux-tu que j’aille chercher du poulet pour souper ? » 

On s’en sacre ! La vérité est que rien de tout cela ne nous intéresse. Non, votre appel n’est pas important pour nous. Parlez de tout cela au bureau, à la maison ou une fois de retour dans votre espace intime, dans votre salon. 

Or, il est justement là, le problème : l’espace personnel. En raison de tous ces gadgets portables et de la multiplication de ces appareils, les frontières entre l’espace personnel et l’espace public ont explosé, éclaté au grand jour. Désormais, l’espace intime se trouve là où se situe la « bulle cellulaire » des individus, dans toute leur splendeur, leur égocentrisme et leur ultra-individualisme typique du XXIe siècle. 

Ce bruit immonde et abominable nous tombe royalement sur les nerfs, en plus de mettre en lumière un manque de civisme en général. Et ce fléau pourrait bientôt devenir un véritable enjeu de santé publique. On va donc vous le demander poliment : Pourriez-vous vous taire, s’il vous plaît ? Baisser le son de votre appareil, parler à voix basse ou mieux encore mettre des écouteurs ? Vous pétez notre bulle personnelle, notre espace intime à nous.

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