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« Le courage de changer », 20 ans plus tard


Il y a vingt ans, le 12 octobre 2004 précisément, un politicien rempli de courage, d’ambition et investi d’une importante mission publiait un document intitulé « Le courage de changer – Un projet de pays pour le Québec ». 

Dans ce long texte bien senti, ainsi que dans un résumé publié sous forme de lettre d’opinion dans Le Devoir, le député de Rousseau de l’époque et porte-parole de l’opposition officielle en matière d’économie et de finances, François Legault, écrivait ces mots : « Une sorte de malaise démocratique sévit au Québec en ce moment. Les citoyennes et les citoyens ont le sentiment de ne pas en avoir pour leur argent, d’être peu écoutés et de ne pas pouvoir faire confiance à une classe politique qui semble incapable de lui proposer un projet collectif stimulant. Un coup de barre s’impose si nous voulons atténuer les frustrations qui alimentent le cynisme de la population envers la politique. » 

Vingt ans plus tard, force est de constater que ce « malaise démocratique » persiste, de même que ce sentiment des citoyennes et des citoyens de ne pas en avoir pour leur argent. De fait, selon un sondage Léger mené en avril dernier, « 75% des répondants jugent qu’ils n’en ont pas assez pour leur argent quand ils considèrent les impôts qu’ils paient et l’état des services publics, contre 17% seulement qui y trouvent leur compte. » Selon le sondeur Jean-Marc Léger, ce sont les « pires résultats » observés en 40 ans de métier sur l’efficacité gouvernementale. 

Et si l’on considère la chute de popularité du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) dans les sondages depuis des mois, il semble clair que le peuple québécois ne se sent pas plus écouté, ni entendu, ni même respecté par le gouvernement de M. Legault qui a maintes fois trahi sa parole et ses promesses, alimentant par là même le cynisme de la population envers la politique et ses représentants. Ce gouvernement caquiste ne semble pas plus apte à proposer un « projet collectif stimulant ». 

En 2004, « le coup de barre » qui s’imposait alors, selon François Legault, impliquait notamment la « modernisation du Parti québécois » ainsi que la capacité de « proposer un projet de pays concret, crédible et emballant, celui d’un Québec souverain ». C’était bien évidemment avant que François Legault change son fusil d’épaule et abandonne son ultime rêve de jeunesse, celui d’avoir enfin un pays. Souverainiste convaincu, « depuis l’âge de 16 ans » précise-t-il dans ce document, François Legault a fait le saut en politique en 1998 afin « de donner à [s]es enfants un pays plus prospère et plus solidaire. » Manifestement, les choses ont changé depuis. 

Après avoir tourné le dos à l’indépendance du Québec, ainsi qu’au Parti québécois, François Legault a fondé son propre parti en 2011 et publié, en 2013, Cap sur un Québec gagnant : le Projet Saint-Laurent (Boréal). Ce livre, à l’image de sa gouvernance, va dans tous les sens. Se trouvant alors « désolé d’assister au triste spectacle d’un Québec hésitant et bloqué », François Legault décida « de mettre de côté le projet de souveraineté du Québec » puisque « force [était] d’admettre que ce projet, à ce moment-ci de notre histoire, a bien peu de chances de réussir et n’est pas la priorité des Québécois ». Ce grand projet de créer un pays (rien de moins) est placidement tombé à l’eau, sans doute quelque part dans le « Projet Saint-Laurent ». 

Et même en devenant l’homme le plus influent du Québec, le premier ministre du Québec, François Legault n’a pas su retrouver son rêve, sa mission et sa foi d’antan dans un Québec souverain. De ces rêves de jeunesse déchirés, il n’en reste aujourd’hui qu’une mièvre fierté nationaliste d’un bleu pâle caquiste et une obsession, celle de réduire l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario. Comme on dit par chez nous, ça ne vole pas haut. 

Curieusement, le 9 mai dernier, au Salon bleu, lors d’un vif échange avec le chef du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon, François Legault a déclaré que la souveraineté était en effet un « projet noble ». Or nous savons tous – incluant M. Legault – que l’indépendance du Québec est bien plus qu’un noble projet pour le peuple québécois : 

« La souveraineté est un geste d’affirmation. Le Québec possède une histoire, une langue, une culture, des institutions et une pratique de la solidarité et de l’ouverture qui le distinguent des autres nations. Seule la souveraineté permettra aux Québécoises et aux Québécois d’être pleinement reconnus pour ce qu’ils sont et de parler de leur propre voix sur la scène internationale. » 

Ce sont, là encore, les bons mots de François Legault, ceux d’il y a vingt ans, avant qu’il perde son courage. C’est tout de même triste à voir. Un coup de barre s’impose.

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