Au cours des dernières années, plusieurs artistes, humoristes et personnalités publiques ont déploré le manque de diversité culturelle à la télévision québécoise. Et à regarder l’émission phare Tout le monde en parle (TLMEP) du 1er octobre dernier, force est de constater que s’ils n’ont pas totalement raison, ils n’ont pas complètement tort.
Si vous avez manqué la très populaire émission de Radio-Canada de dimanche dernier, voici ici la liste des invités : « Claude Meunier, Marc Labrèche, Josée Deschênes, Marc Messier et Diane Lavallée, à l’occasion du grand retour de La petite vie; le cinéaste Denys Arcand, qui présente son film Testament; Louis Morissette, qui présente son premier spectacle solo, Sous pression; les ministres François-Philippe Champagne et Pierre Fitzgibbon, à propos du projet d'usine de batteries de l'entreprise Northvolt; l'entraîneur-chef des Canadiens de Montréal, Martin St-Louis, et les joueurs Rafaël Harvey-Pinard, Mike Matheson, Samuel Montembeault et David Savard; et la cheffe d'orchestre Dina Gilbert, qui dirigera les concerts de l'Orchestre symphonique de Montréal avec IAM. »
À regarder cette liste ou, mieux encore, l’émission elle-même, on ne peut que donner raison à ces personnes qui critiquent le manque de représentativité à la télévision québécoise. Y a-t-il plus québécois que cette liste d’invités ? Y a-t-il plus québécois de souche, d’ailleurs, que la célèbre émission de télé La Petite vie, diffusée à Radio-Canada depuis 1993, mettant en scène la famille Paré ? Ne manquait, sur ce plateau, que « Popa » Legault, pour nous faire un p’tit numéro… « Bonsoir tout le monde ! »
De plus, disons-le franchement, il y avait beaucoup d’hommes. Oui, ça sentait fort la testostérone. Si l’on inclut l’animateur, Guy A. Lepage, et le coanimateur, MC Gilles, on dénombre alors, sur le chic plateau de TLMEP, un grand total de 14 hommes et de seulement 3 femmes, soit 4,7 fois plus d’hommes que de femmes. Bonsoir la parité. Et, faut-il le souligner, tous ces hommes sont Blancs, évidemment. Oui, je sais, ça emmerde royalement le grand cinéaste Denys Arcand qu’on souligne ces faits et qu’on tente de corriger les iniquités auxquelles certains d’entre nous sont confrontés. Mais les chiffres ont pour le moins le mérite d’être clairs, objectifs et révélateurs, tout en mettant en lumière un pan important de la réalité.
Comprenez-moi bien : tous ces invités, de même que leurs projets et leurs ambitions artistiques, culturels ou sportifs sont sûrement fort pertinents pour notre nation, pour notre culture québécoise. Là n’est pas la question. La question et cette critique portent plus spécifiquement sur notre capacité à faire de la place aux « autres », sur notre ouverture aux Québécois qui ne sont pas des « pures laines », qu’ils soient nés ici, au Québec, ou ailleurs, immigrants ou pas. Et à regarder cette émission de TLMEP de dimanche dernier, on ne peut que se sentir un tantinet gêné. Car tant à Montréal qu’ailleurs au Québec, nous sommes depuis longtemps entourés de gens issus de diverses communautés, racisés ou non, qu’on voit effectivement très peu représentés à la télévision.
Dit autrement, mes voisins québécois d’origines togolaise, maghrébine, iranienne, cubaine, etc., et même les « maudits Français », très nombreux, qui résident au Québec depuis des années, ne se reconnaissent ni ne se voient à la télévision québécoise. Ils ne sentent pas qu’ils font eux aussi partie de la discussion, formant plutôt une bande à part qu’on consulte à l’occasion. Or, nous ne ferons pas de pays sans eux.
Les Québécois sont-ils racistes pour autant ? Xénophobes ? Pas du tout. Quoi qu’en disent les Canadiens anglais, les Québécois forment un peuple ouvert et accueillant. Mais force est aussi d’admettre, de reconnaître et d’être pleinement conscients que, comme la majorité des peuples à travers le monde, nous apprécions également nous retrouver « entre nous », entre Québécois dits de souche. Rien de plus humain. Et cette récente émission de TLMEP illustre bien le confort de rassembler des gens d'un même milieu, de l’entre-soi, en l’occurrence, l’entre-soi québécois.