Au terme de leur assermentation au Salon rouge, en octobre 2018, François Legault appel[ait] ses députés à faire preuve d'« humilité ». Dans un discours senti adressé à ses troupes, et même ému par moments, le tout nouveau premier ministre caquiste du Québec rappelait à ses 74 élus de l’époque le « privilège » d'exercer la fonction de député, de même que l’importance de s'élever « au-dessus des considérations partisanes ».
« Comme vous, désormais, je parle aussi au nom des électeurs péquistes, libéraux, solidaires qui n'ont pas voté pour moi et qui habitent chez moi. Donc on doit être conscients de ça. Ça nous oblige à nous élever au-dessus des considérations partisanes dans l'intérêt supérieur du Québec et de nos concitoyens », affirmait-il alors.
On nous promettait également un important « changement de ton » à l’Assemblée nationale ainsi que des échanges plus cordiaux durant les travaux parlementaires. Fini, l’arrogance (des libéraux) et la petite politique au Salon bleu ! Le gouvernement caquiste allait s’élever au-dessus de la mêlée et rester « proches des Québécois » et de leurs véritables préoccupations, en demeurant à « l’écoute » de la population.
Plus de quatre ans plus tard, investi d’un deuxième mandat « fort » (90 sièges caquistes sur 125) et enfin libéré des nombreux enjeux liés à la pandémie, le gouvernement caquiste en mène large à l’Hôtel du Parlement du Québec et se pète délibérément les bretelles.
Les belles paroles et les bonnes intentions du premier ministre Legault ont clairement disparu et la vraie nature de ce gouvernement caquiste se révèle au grand jour dans toute sa splendeur et son immense arrogance. Faut croire que le pouvoir finit toujours par monter à la tête, grisant le regard et les esprits en chemin. C’est indubitable.
Depuis l’élection de ce gouvernement très majoritaire, en octobre dernier, les torses se sont bombés, les ego aussi. Le ton et la façon du gouvernement caquiste ont clairement changé depuis la fin de la pandémie, et pas dans la bonne direction.
Le gouvernement caquiste de M. Legault, au centre duquel règne un fabuleux boys club, embaume l’arrogance sans bon sens. L’arrogance de Pierre Fitzgibbon, l’arrogance de Martin Drainville, l’arrogance et l’autosuffisance de Simon Jolin-Barrette, sans oublier l’arrogance de François Legault lui-même qui, depuis quelque temps, se surpasse dans l’art du cabotinage et des attaques personnelles à l’Assemblée nationale au lieu de répondre sérieusement aux questions de l’opposition.
Piqués au vif ou refusant tout simplement de répondre à certaines questions de l’opposition, des ministres n’hésitent d’ailleurs pas à quitter prestement le Salon bleu, à l’instar d’un enfant gâté ou d’un petit roi fâché. L’écoute promise des véritables préoccupations de la population s’est évaporée et les rapports « plus cordiaux » promis à l’Assemblée aussi. Ce gouvernement n’entend plus rien, pas même les échos d'un récent sondage.
Le « privilège » d'exercer la fonction de député n’est plus sur la table ni même au menu du jour. Au contraire, la tâche est tellement lourde, prétend-on maintenant, qu’elle sera bientôt accompagnée d’une majestueuse augmentation salariale de 30%, et ce, sans toucher au généreux régime de retraite de luxe (de style « Ferrari ») des députés*.
Et pour l’« humilité » des députés tant espérée par M. Legault en 2018, il ne faut surtout pas compter sur le premier ministre lui-même pour donner l’exemple à son puissant caucus. Elle a fondu sous l’arrogant pouvoir majoritaire comme un glacier sous l’effet du réchauffement climatique. L'« intérêt supérieur du Québec » en prend de nouveau pour son rhume.
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*Ajout : Les députés adoptent la loi haussant leur salaire de 30% (La Presse, 6 juin 2023)