Avez-vous vu la plus récente campagne publicitaire de l’Ordre des comptables professionnels agréés (CPA) du Québec ? Elle est parfaite. Insupportable certes, mais néanmoins "géniale". Elle convient tout à fait à notre société individualiste où règne le MOI, MOI, MOI, MOI, MOI, MOI, MOI…
Moi ?
En grande pompe – et dans beaucoup trop de métros –, la campagne publicitaire de l’Ordre des CPA du Québec a été lancée en janvier 2023. Les affiches et les vidéos sont apparues partout. On y voit des individus, de beaux et jeunes individus dis-je, se demander avec étonnement « Moi? ». Oui, toi. Qui ça, moi ? Oui, toi, le grand ! Deviens CPA, on compte sur toi. Non, non, « le monde des affaires » compte sur toi. Rien de moins. Le monde entier t'attend. Oui, toi.
Moi, moi, moi, on est bel et bien rendu là. Ça ne date pas d’hier, vous me direz, mais ça va de pire en pire. Il faut s’adresser directement au moi de l’individu, aujourd’hui, parler tout de go à son gros ego, si vous voulez les accrocher au passage, les faire sortir ne serait-ce qu’une nanoseconde de leur bulle cellulaire nombriliste et obtenir une mince tranche de leur très fragile attention. Sinon, c’est peine et pub perdues… Moi, moi, moi, je vous dis.
Il existe même une section entière, sur la chaîne de télévision québécoise TVA+, intitulée « MOI et cie ». Il y a aussi un magazine Moi parent, une Boutique MOI (quelque part à Gatineau) et plein de cossins, de sacs pis de bébelles MOI (Je, ou Me, Myself and I-cossins). Voilà la triste réalité de notre société, au XXIe siècle : la célébration simpliste, banale, franchement ordinaire et plutôt vulgaire du MOI, de l’individualité, de l'individualisme à tout prix. Plus plate que ça, tu meurs. J’ai mal à ma collectivité.
Non seulement le MOI est célébré partout, mais en plus chaque individu est devenu un produit et un bonhomme-sandwich qui fait de la pub et du placement de produits en portant des vêtements et des marques de commerce qui sont supposés « représenter » leur unique individualité et les définir. La majorité des gens portent fièrement des vêtements munis de superbes logos, des marques d'entreprises et de multinationales qui, en réalité, exploitent des gens, des individus, des êtres humains qui les fabriquent dans des conditions de travail exécrables. Autant dire, sans réelles conditions ou normes de travail, dans les faits. Mais qu'importe, le MOI, lui, est célébré. L’individualisme prime à tout coup, dans notre société ultra capitaliste, et ce, au prix du groupe. Maudit que j’ai mal à ma collectivité.
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En lien : Survivrons-nous à cette ère narcissique? (Le Devoir, août 2021)
(Photo : capture d'écran sur le site des beiges comptables)