Notre premier ministre François Legault aime les « gagnants ». Les « winners », comme on dit dans le langage courant, au hockey comme dans la société, c’est beau, c’est admirable, c’est même épatant. Les « losers », en revanche, pas trop.
M. Legault a même publié un livre en 2013 qui s’intitule Cap sur un Québec gagnant : le projet Saint-Laurent. Dans ce livre résumant sa vision comptable de la vie comme celle d’un Québec gagnant, il explique en détail comment il faut s’enrichir individuellement, viser la prospérité collectivement et, ultimement, c’est très important, réduire l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario – sa véritable obsession depuis la nuit des temps. Et, pour ce faire, il faut évidemment augmenter les salaires.
C’est « di’icile »
Cette semaine, après 8 jours de « gros travaux » d’une très courte session parlementaire, notre premier ministre a enfin reconnu qu’il est « difficile » de vivre avec 18$ l’heure (le salaire minimum est à 14,25$ soit dit en passant), ajoutant dans la foulée qu’il est encore préférable d’augmenter le salaire moyen : « "On veut que les gens qui gagnent 25 $ l’heure, c’est la moyenne à peu près au Québec, augmentent à 26 $, 27 $, 28 $. C’est ça, notre objectif. On a beaucoup plus d’ambition que QS", a-t-il lancé. »
Autrement dit, oublions les pauvres et les gens en bas de la hiérarchie socioéconomique, ceux qui ne parviennent pas à boucler leur fin de mois et à manger à leur faim, et focussons plutôt sur celles et ceux qui s’en sortent déjà, enfin pas trop mal, mettons toutes nos énergies à enrichir ceux qui ont déjà la tête hors de l’eau. Les autres, eux, que voulez-vous, n’ont qu’à se noyer… dans le projet Saint-Laurent.
Je le répète depuis longtemps à qui veut bien m’entendre (c’est-à-dire personne, viarge), François Legault méprise profondément les pauvres. Il ne parle d’ailleurs jamais clairement ni de la pauvreté ni de la précarité qui sévissent pourtant au Québec, préférant s’en tenir à des sujets et à des thèmes beaucoup plus « gagnants » auprès de sa base bleu pâle : la prospérité.
Parfois, il est vrai, dans ses moments tendres, remplis de contrition, il lui arrive, au premier ministre Legault, de mentionner au passage « les plus démunis », question de clouer le bec « aux oppositions » et de polir son image de « père de la nation » par la même occasion.
« Environ 1,5 million de Québécois » survivent sous le seuil de la pauvreté au Québec, n’ayant tout simplement pas les revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins de base. Et ce n’est manifestement pas avec des « chèques » électoralistes et de l’aide ponctuelle intéressée que nous allons enrayer ces problèmes d’iniquité dans notre société. Mais ne comptez pas non plus sur la « figure paternelle » qu’incarne étrangement M. François Legault pour nous sortir de la dèche. Ce dossier misérable ne lui apparaît pas suffisamment « gagnant ».
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Photo : Sylvie Marchand, « Hier, j'ai bouffé une riche, j'garde l'autre pour demain », graffiti dans Hochelag', Montréal.