Est-ce une simple mode ou une nouvelle identité ? Est-ce une tendance qui s’estompera avec le temps, que de ne plus choisir son camp ?
Les déracinés
C’est une vraie réalité, il existe de plus en plus de déracinés, de ces gens qui ne sont plus ni Québécois ni Canadien, qui ne sont plus ni vraiment homme ni réellement femme, qui n’appartiennent plus, en fait, à rien.
Ils vivent, eux, dans un monde « global », sans identité sexuelle, sans « genre », sans aucune donnée identitaire « prédéterminée ». Fuck that. C’est fini, tout ça. Le monde n’a pas à nous dire qui être ; on peut se construire tout seul et entièrement. On peut vivre dans une soi-disant « neutréalité ». Plus besoin de choisir son camp.
Une partie du monde relève dorénavant de la fluidité, sans doute une conséquence directe de la mondialisation, de la globalisation. Think global. La fluidité des genres, des sexes, des politiques, des identités, des « nationalités ». On ne vit plus nulle part et on choisit tout le reste « à la carte ». « Pourrait-on voir le menu, svp ? »
Fluidité
La fluidité, c’est beau. En danse, par exemple, la fluidité est nécessaire pour rendre le geste sublime, le mouvement intéressant. La fluidité, dans la vie, ça permet aussi de flotter, de ne pas prendre de camp, de ne pas se positionner. La fluidité permet de changer sans cesse de place, de ne prendre ni parti, ni position, ni pays.
Les déracinés, on le sait, sont "apatrides". Ils n’appartiennent à aucune nation ni à aucun parti. Pourquoi choisir la gauche ou la droite quand on peut se tenir dans « l’extrême centre » ? Pourquoi parler français, ou même l’anglais, quand tu peux parler « franglais » ? « Le feel-tu, toé? » « Es-tu down ? » « Il m’a assault. » « J’étais genre overwhelmed. » Bref, vous voyez le genre.
Pas surprenant, alors, de constater le faible taux de participation lors des plus récentes élections, fédérales comme municipales. Anémique, vous dites ? Sans doute un mélange de fluidité, d’individualisme, de nombrilisme et de je-m’en-foutisme. Même confort et indifférence d’une autre époque, seulement à une nouvelle sauce, mondialiste et multiculturaliste, celle-là.
Alors que la fluidité permet de s’adapter, sans s’arrêter, sans s’enraciner nulle part, elle permet également de ne pas s’impliquer, de ne jamais être responsable de rien, de s’en laver les mains, tout en s’offusquant constamment de toutes les situations à travers le monde entier. On peut tout contester quand on est fluide et déraciné. On peut sans cesse bouger, rester en mouvement, tirer à gauche comme à droite. On appartient au monde entier.
Or, une chose est sûre, qui s'observe dans la Nature : ce qui est déraciné ne pousse pas. Ça ne donne ni de fleurs ni de fruits. Ça ne croît nulle part. Tout meurt, sans racines profondes.
Car, pour ce faire, pour pousser, pour croître et se développer, pour donner des fleurs pis des fruits, il faut choisir son lot de terre et s’ancrer dedans. On pourra toujours tout arracher, bouger, déménager, aller ailleurs, au lieu de constamment flotter dans un monde éthéré, au-dessus de la mêlée.
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Le mot de l’automne ? « Lagacite ». Quand l’« overexposure » du journaliste Lagacé provoque une « inflammation » du cerveau collectif et que ça commence à sérieusement nous agacer.
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Photo : Sylvie Marchand, « Ni Québécois ni Canadien », collant sur poubelle, Place Valois, Hochelag, Montréal, 6 oct. 2021.