« extraordinaire », une gang d’antimasques, par exemple, des Juifs orthodoxes ou bien des Témoins de Jéhovah, s’étaient réunis de la sorte, jeudi soir dernier, au centre-ville de Montréal, les uns collés sur les autres, sans masque ni distanciation physique, en criant comme des malades, en se sautant les uns par-dessus les autres, tout en se faisant des « high five », et certains même de la casse, on se serait tous insurgé en beuglant : « bande de caves ! ».
Mais puisqu’il s’agit de hockey, du Canadien de Montréal, d’une autre sorte de religion, sportive celle-là, on n’a pas le droit de dire un mot. Deux poids, deux mesures sanitaires.
C’est pas pareil
À regarder les images de cette soirée du 24 juin dernier, il y a de quoi s’inquiéter, ou bien la pandémie est terminée et certains d’en nous n’avons pas encore reçu le mémo. (Lire entre autres COVID-19: les rassemblements monstres de partisans divisent les experts, Journal de Montréal, 25 juin 2021, et Centre Bell: la santé publique déplore les manquements aux mesures sanitaires, Radio-Canada, 25 juin 2021.)
Bizarrement, les jeunes adultes (qui chialaient pourtant d’être isolés à la maison pendant l’année scolaire et qui espèrent retourner sur les campus en présentiel l’automne prochain) sont à peine vaccinés. Et même que pour les inciter à tendre le bras pour une petite piqûre salvatrice, faudrait faire une loterie, un concours, faire tirer un prix, leur brandir une jolie carotte, n’importe quoi. Retrouver votre liberté, ce n’est pas assez pour vous autres, chers enfants-rois?
Oubliez ça, ils l’ont déjà retrouvé, leur liberté à la moi, moi, moi, moi, moi.
Dans le restant de la population non plus, ce n'est pas fini. Dans l'ensemble, on n’a toujours pas atteint l’immunité collective, le chiffre magique, le seuil acceptable de vaccination de 70% de la population. Tout le monde n’a pas encore reçu sa deuxième dose, essentielle pourtant, nous répète-t-on depuis des mois. Et notez que certains pays se reconfinent en raison du variant Delta – (lire Sydney se reconfine, le variant Delta inquiète, Radio-Canada, 26 juin 2021).
Mais qu’importe tout cela. Pour la religion hockeyenne, on est prêts à toutes les exceptions, à lever beaucoup de mesures, sanitaires, restrictives et rationnelles, le gros bon sens quoi, et même l’esprit critique. « La COVID… quelle COVID ? » – voir la caricature de Chapleau, La Presse, 26 juin 2021.
Pour les fanatiques de hockey, ces fiers partisans d’une immense communauté, tous habillés de la même façon, portant les mêmes couleurs, le chandail tricolore évidemment, tous les passe-droits sont possibles, les miracles aussi.
À ce stade-ci des séries, on évoque même toutes sortes d’éléments surnaturels: la pleine lune était de la partie, un soir de la Saint-Jean qui plus est, les astres étaient alignés, il y eut des moments magiques. Oui, oui, on parle de magie, de miracles, de moments de grâce, presque divine, de devin aussi, de joueurs exceptionnels, des hommes potentiellement immortels, qui passeront sans doute à l’Histoire, marqueront le temps, les périodes et des buts, dieux de la glace et des rondelles, tout en faisant des parallèles avec un passé glorieux que les jeunes générations, jusqu'à maintenant, n’avaient jamais connu. La foi, man, la foi en Sainte-Flanelle.
Bergevin embrasse ses boys comme un papa fier de ses garçons, des gagnants. L’entraîneur-chef Dominique Ducharme, lui, a pour sa part été déclaré positif à la COVID-19. Mais oubliez tout ça, les accolades et les rapprochements, puisque tous les membres du Canadien, y compris Ducharme, ont reçu deux doses de vaccin contre la COVID-19. Et saviez-vous, vous autres, que « Le Canadien, c’est même plus fort que la COVID[-19] » ? Faut le faire, pareil.
Étrangement, plusieurs croyants affirmaient des choses tout aussi absurdes, au printemps 2020, se disant immunisés par la bonté divine, la grâce de Dieu, partageant des coupes de vin béni et recevant des hosties directement sur la langue durant l’eucharistie. Mais eux, ces fervents religieux, étaient pourtant critiqués de tous bords tous côtés par des gens des sciences, de la politique et même des journalistes.
Mais là, apparemment, c’est pas pareil, c'est différent.
Il est tout de même intéressant d’observer ce décalage, de prendre note de ce double discours, la possibilité de choisir son camp, comme bon nous semble, à l’heure qui nous convient le mieux, selon notre convenance, nos convictions, la saison, notre religion, nos dieux, nos idoles, nos sports, nos loisirs, somme toute, nos propres croyances, dans ce cas-ci, en les « habitants », les bleu, blanc, rouge. La foi, je vous dis, la foi. Go Habs go.