Après une année de confinement, de distanciation physique et de règles sanitaires strictes à suivre, le naturel animal revient vite au galop, voire coure à toute vitesse, les jambes au cou. Les sauvages sont encore plus sauvages. Les arrogants sont fièrement arrogants, condescendants et méprisants. Les gossants gossent davantage. Les bullies intimident de plus belle. Les êtres les plus fragiles et vulnérables régressent à vue d'oeil et périclitent, faute de stimulation. Et ainsi va la vie.
Pour le reste, nos vies se résument à la satisfaction de quelques besoins vitaux, sans beaucoup plus.
Le mirage de la satisfaction
Les Rolling Stones chantaient Satisfaction. I can’t get no satisfaction. Non, il n’y a pas de satisfaction. 'Cause I try and I try and I try and I try.
La satisfaction est à la fois la chose la plus fondamentale et la plus éphémère qui soit dans l’existence humaine. C’est comme une histoire d’un soir, le summum de l’extase, la jeunesse, un coup de foudre, un amour passionnel, une étoile filante. Ça passe, pis c’est reparti. Tout de suite après, ça y est, c’est fini.
De nouveau insatisfait, l’organisme humain cherche à combler ce vide, cette frustration permanente sous-jacente à son existence, en reproduisant ces brefs moments de satisfaction. Il faut vite retrouver l’apogée, éprouver momentanément le plaisir de la satisfaction. Certains individus sont très rapidement satisfaits, d’eux-mêmes bien souvent, malheureusement.
Les êtres humains sont donc sans cesse en quête de satisfaction. Et ça, les « marketeux » l’ont bien compris. C’est pour cette raison bien précise qu’on nous bombarde constamment de publicités, de promesses de satisfaction, de bonheur et de félicité que les bébelles prétendent apporter : « On va leur créer des besoins qu’ils auront le sentiment de combler avec nos beaux produits, et voilà, le tour est joué, ils vont ressentir de la satisfaction une nanoseconde, et ensuite, que vont-ils faire tout de suite après, ces abrutis ? – cela a été observé et démontré maintes fois en laboratoire avec des animaux – eh bien, ils vont recommencer et acheter d’autres produits, encore et encore. C’est sans fin, les amis ! On va être riches à l’infini. »
Oui, la satisfaction, en ces temps modernes individualistes et ultra-capitalistes, vient habituellement avec un prix.
La plus récente vague de satisfaction de masse, ces temps-ci, depuis le début de cette mautadite pandémie, un véritable tsunami, c’est de recevoir des colis : « Regarde Sylvie ! J’ai reçu un autre beau colis ! C’est comme Noël tous les jours, ici ! Ouvrir un colis, c’est comme recevoir des cadeaux, tu comprends, d’autant plus que je ne me souviens même plus ce que j’ai commandé en ligne ! C’est une surprise ! »
« Hum, hum. » Bravo championne, que je me dis. Si tu te payes un « Noël » chaque jour, en déballant des beaux « cadeaux » que tu as toi-même achetés sur le Net, ton vrai Noël doit être plate en simonac, pas vrai ?
Mais c’est comme une drogue, cette surconsommation matérielle pour combler le vide existentiel, afin de se sentir, ne serait-ce qu’un très court moment, satisfait. Ça en prend un peu plus chaque fois pour obtenir la même dose de dopamine, une infime décharge de neurohormone du plaisir. Tu consommes, tu consommes, tu consommes, mais où, bon sang, est la satisfaction ? 'Cause I try and I try and I try and I try, I can't get no, I can't get no, I can't get no satisfaction. Hey, hey, hey.
Alors tu recommences et surconsommes des bébelles et des produits. Tu accumules du stock ou bien les jettes à la poubelle, bref, tu consommes à la pelle pour un peu de satisfaction, de piquant et d’excitation dans ta vie.
Sauf que ta surconsommation de bébelles matérielles, ma belle (pis mon beau), nuit à tout le monde, tu comprends ? Le monde entier, oui. Ta surconsommation est nuisible à tous, nous détruit tous, la planète périclite. Et non, ma chérie, il n’y a pas et n’y aura pas, jamais en fait, de satisfaction, ni dans cette vie-ci, ni dans l’autre. Hey, hey, hey, That's what I say.
Et pour les autres qui n’éprouvent aucun plaisir ni satisfaction à consommer des cossins, on se sent plutôt comme Baarack, ces temps-ci, pas l'ancien président américain mais bien le mouton sauvage australien libéré de son pelage dernièrement. Qu’arrive le printemps qu’on sorte nous aussi de notre baraque et de cette lourdeur pandémique de confinement, se faire trimer un brin, se mettre belle pis beau, courir voir d'autres animaux.