Passer au contenu principal

La norme-testostérone


Pendant plus de deux millénaires – merci à Hippocrate –, on a faussement accusé les femmes d’être des hystériques, assujetties aux « déplacements de l’utérus », et puis aux fluctuations de leurs hormones, tributaires de leurs émotions, et donc, trop émotives, instables, faibles. Tsé, la donna è mobile… La femme est volage, fragile, frivole.

En raison de cet « utérus vagabond », de cette prétendue instabilité intrinsèque à la nature des femmes, en plus de leur faiblesse d’esprit, nombreux médecins et aliénistes, au fil des siècles, tranchèrent sur la vacuité du caractère féminin et établirent toutes sortes de traitements médicaux réservés spécifiquement aux femmes.

Sous cette menace constante d’être affublées de torts et de diagnostics, les femmes n’avaient qu’à bien se tenir, à serrer les cuisses, ou encore à céder aux demandes insistantes en silence, voire à subir les agressions et les violences sexuelles carrément. Le « sexe faible » devait se soumettre au « sexe fort » en faisant l’étoile. Monsieur allait bien finir par aboutir, jouir, enfin déguerpir, à moins qu’il ne pète un plomb et se montre tout à coup violent.

Mais voilà que, depuis quelques décennies maintenant, les femmes dénoncent sur la place publique ce que les femmes ont toujours dénoncé ou reproché aux hommes en privé, chez monsieur le curé ou bien dans le cabinet du médecin, soit les comportements masculins inacceptables, les inconduites sexuelles, les agressions, la violence subie (physique, psychologique, sexuelle, socio-économique, etc.), tout comme ce besoin intarissable de dominer les femmes.

C’est la norme-testostérone que dénoncent les femmes depuis la nuit des temps.

Comme on le sait, la testostérone est une neuro-hormone sécrétée par le corps humain. Celui de la femme aussi en libère, mais beaucoup moins. Le corps des hommes, lui, produit de six à huit fois plus de cette « super-hormone ».

En plus de servir à la masculinisation des organes génitaux, c’est-à-dire à la différenciation sexuelle des gonades durant le développement fœtal, la testostérone est un important messager chimique impliqué dans l’agressivité, la domination, le désir et les comportements sexuels, l’endurance physique, la performance, le rendement au travail et même la capacité à prendre des risques.

Il s’agit là, somme toute, des comportements typiques qui caractérisent habituellement le mâle-alpha dans toutes les sociétés, humaines comme animales.

Des femmes aussi peuvent certainement se montrer dominantes ou même toxiques, mais c’est généralement la position de pouvoir qui leur monte royalement à la tête, beaucoup plus que la présence de la testostérone.

Or, il apparaît clair, en ce XXIe siècle, à l’ère de l’instantanéité et des réseaux sociaux comme nouvel espace public, que les femmes ne tolèreront plus ces comportements de mâles « insistants », gossants, agressifs ou même violents, afin de révolutionner cette vieille culture de la domination masculine, de la norme-testostérone.

Et il y a fort à parier que ces vagues de dénonciations, qu’elles soient dans la rue ou dans le cyberespace, continueront tant et aussi longtemps que les hommes eux-mêmes n’auront pas appris à gérer leurs propres hormones, leurs propres émotions, leur charge libidinale et leurs comportements, tout comme, dans certains cas, ce besoin constant de dominer et de manipuler les femmes.

Le « sexe faible » a pris beaucoup de force, au fil du temps, en libérant sans cesse la parole, en ouvrant la boîte de Pandore. Les hommes n’auront qu’à bien se tenir.

Messages les plus consultés de ce blogue

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en

Femmes consommables

Elles ne datent pas d’hier, ces maudites pubs à marde. Mais lorsque j’ai aperçu celle-ci, au début de l’été, cette gigantesque publicité de bières au métro McGill, j’ai pensé, comme une vraie hurluberlue habitant toujours la planète Utopie  : «  Pfft ! Ça ne passera jamais ! Dans l’temps de l’dire, ces affiches seront recouvertes de collants "pub sexiste" que les féministes apposent ici et là, au centre-ville de Montréal. Check ben ça… ! » Je suis repassée maintes fois devant depuis, jamais vu un seul collant, sapristi. Neuf femmes consommables, mesdames et messieurs – neuf ! un vrai harem –, bien fraîches évidemment, et de préférence « à prendre » sur le bord d’un lac quelque part pendant vos vacances : la Brise du lac , la Ci-boire , la Matante , la Désirée , la Chipie , la Valkyrie , la Joufflue , la Belle Mer – quelqu’un devrait définitivement aller consulter –, ou encore la Nuit blanche – j’imagine que, comme Brise du lac , elle aussi n’est que de passage… I