Passer au contenu principal

Gestion de crise: le trio gouvernemental


Nous sommes fort nombreux depuis quelques semaines à écouter religieusement les points de presse de notre trio gouvernemental composé du premier ministre du Québec François Legault, de la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann et du directeur général de la santé publique Horacio Arruda. Et oui, nous sommes tous impressionnés…

On a droit, nous, à l’incarnation du pouvoir réfléchi, posé, rationnel, à la fois rassurant et transparent, donnant chaque jour rendez-vous à la population, à 13h pile, tapant, devenu un véritable pilier dans ce nouveau train-train quotidien angoissant, au sein de cette tempête d’insécurité sans précédent, un repère fixe dans cet espace-temps suspendu, lourd et condensé comme du béton. Pour la Psycho-101 de la communication, on peut certainement cocher cette petite case.

En l’espace de quelques jours à peine, et sans même nous en rendre compte, nous sommes tous devenus caquistes. On l’aime, notre premier ministre François Legault (qui réanimera, le jour viendra, la flamme indépendantiste, mais passons).

Pour le moment, donc, c’est l’homme de la situation, le bon père de famille, le chef de la nation, avec un juste équilibre de sensibilité et de rationalité. « On a un bon capitaine », m’a confié au téléphone Mme. L., 70 ans. Le peuple québécois lui fait confiance. Trop ? Seul le temps nous le dira.

En plus de sa cote de popularité qui atteindrait 88% selon un récent sondage, disons-le, sa cote sex-appeal a sûrement elle aussi grimpé. C’est bien connu (et psychologique), on admire (et désire) les hommes « forts », les vrais leaders, les héros, les champions et les gars sur une scène avec une guitare. Ça, ça ne changera pas, même après la crise sanitaire. Comme le disait si bien l’humoriste américaine Chelsea Handler à propos de Robert Mueller, avant la sortie de son « fameux » rapport qui allait, on le supposait, changer le cours des choses à la Maison-Blanche : « I would fuck the shit out of him ! ».

Au fil de ces points de presse, on a également découvert un nouveau personnage au visage fort sympathique lui aussi – l’image, ne l’oublions pas, demeure primordiale dans les communications – le bon et brillant Docteur Horacio Arruda. Des t-shirts à son effigie sont sortis, des autocollants aussi; les gens tripent sur son style, ses tenues vestimentaires, ses belles lunettes, son langage coloré, ses histoires de tartelettes portugaises, sa gestuelle théâtrale, etc., bref, le Québec semble hypnotisé, flabergasté, voire en pâmoison devant le bon et coloré docteur Arruda.

Or je dis, wô minute, papillon…

Il est certes fort sympathique, le bon docteur Arruda, mais disons-le franchement, il a aussi un gros égo bien astiqué. Et ça aussi c’est bien connu, les hommes avec des gros égos adorent… s’écouter parler.

Si je savais encore tricoter – c’est loin, ces fameux cours d’« éducation familiale » des années 80 (roulement des yeux) –, j’aurais sans doute tricoté, comme l’avait fait Sue Montgomery au conseil municipal au printemps 2019, une maille pour Mme. McCann, dix-douze mailles pour M. Arruda, une ou deux autres mailles pour Mme. McCann, quarante-six mailles pour M. Arruda, et ainsi de suite. You get the gist.

Ce n’est certes pas un narcissique fini comme le colon présidentiel des États-Unis, n’empêche, les gens avec un gros égo aiment néanmoins se donner en spectacle, offrir des performances publiques, être en représentation, recevoir toute l’attention possible (publique, médiatique, etc.), en redemande encore et encore, même durant leurs journées de congé…

Ça pense déjà à être « réinvité » à l’émission dominicale TLMEP (lorsqu’il y aura un public évidemment), être le centre d’attention d’Infoman comme du Bye bye, ça se met en scène, ça beurre épais dans les réponses et les gestes, ça fait des steppettes, bref, les gros égos aiment les kodaks, les flashs, donner un show, faire du « pestacle ». Et lorsque l’heure est grave, moi, ça m’énarve !

Je vais donc me faire l’avocate féministe du diable dans « cette affaire », et lever pour ma part mon chapeau à la seule femme à la table, dans ce trio gouvernemental, la ministre Danielle McCann. Contrairement à M. Arruda, ses réponses sont toujours concises, précises et totalement dénuées de théâtralité, de mise en scène ou même d’égo. Elle est pragmatique, pratico-pratique, et c’est ça, en temps de crise, qu’on appelle de l’efficacité ! Mais comme il s'agit d'une femme, elle passe pour une personne stricte ou même sévère. Simple double standard, encore. Ça non plus, ce n’est pas près de changer.

Or, qui s’élève par l’image périra forcément par son gros égo. On s’en reparlera, du bon Docteur Arruda, dans quelques mois…

***

« Y a-t-il en effet rien d’aussi fou que de s’aimer, de s’admirer soi-même ? Mais à l’inverse, que pourrais-tu faire, qui ait de l’élégance, du charme et de l’à-propos, si tu te déplais à toi-même ? »
– Érasme (1469-1536), Éloge de la folie.

***
À visionner : Whistleblowers silenced by China could have stopped global coronavirus spread - 60 Minutes Australia (29 mars 2020)

(AJOUTS - À lire : L'enfumage chinois, Christian Rioux, Le Devoir, 3 avril 2020, et La Chine nous a-t-elle induits en erreur?, Mylène Crête, Le Devoir, 4 avril 2020.)

Messages les plus consultés de ce blogue

Les fausses belles femmes

Après les Femmes poupées, femmes robotisées , voilà maintenant de fausses belles femmes dans un factice concours de beauté. Totalement artificielles, ces femmes, vous comprenez, ces différentes images ayant été générées par l’intelligence artificielle (IA) - (lire  Miss AI - Un podium de beauté artificielle ). Pour faire simple, il s’agit en réalité d’une vraie compétition toute féminine de la plus belle fausse femme créée par des hommes. Vous me suivez ? Non, on n’arrête pas le progrès. Ce sont majoritairement des hommes qui se cachent derrière la fabrication de ces images de fausses femmes. Des créateurs masculins qui passent sûrement d’innombrables heures devant un écran d’ordinateur à créer la femme idéale (ou de leurs rêves, allez savoir), à partir, on s’en doute, de leurs désirs, fantasmes, idéaux et propres standards de beauté – la beauté étant dans les yeux de celui qui regarde évidemment. Une beauté exclusivement physique, rappelons-le.  Même le jury est artificiel – ...

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre...

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit ...

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle p...