Passer au contenu principal

Mal-être, malaise et mourir de rire


Oui, le moment fut intense, lourd, malaisant. Non pas en raison du « J’ai un peu le goût de me crisser en feu ces temps-ci » d’Hubert Lenoir, mais du « On ne dit pas des affaires de même ! » de Dany Turcotte, sur le plateau de Tout le monde en parle, dimanche dernier… Bang !  L’art de clore un sujet difficile, lourd de sens et de portée, de clouer le bec à son invité, qui semble par la suite avoir battu en retraite, et ce, pour le restant de l’émission. « Parlez-en à votre médecin » qu’ils disent, mais surtout pas à M. Turcotte, qui, pourtant sensible à différents sujets tabous, n’a pas toujours les interventions les plus pertinentes. Ce n’est pas sa tâche de jouer au psy, vous me direz. J’en conviens, mais tout de même… gros, gros malaise.

Alors que certains avancent qu’il aurait fallu « peut-être même fai[re] une joke poche. Parce qu’il faudrait arriver à en rire, des fois, de ça, pour foutre un coup de pied dans le tabou que ça représente, le fait d’avoir envie de se crisser en feu », j’affirmerais que, bien au contraire, il aurait été préférable d'en parler sérieusement, d'en discuter, d'ouvrir le sujet et la conversation, pas de la fermer.

Mais l’humour au Québec a pris une telle place qu’il semble être devenu le remède à tous les maux. Il faut tellement rire dans ce pays, partout, tout le temps, que cette obsession ne peut que dissimuler un réel et profond mal-être, à la fois individuel et collectif. Ce peuple s’éteindra en riant, une nation morte de rire.

Et pourtant, nous étions sûrement très nombreux à reconnaître ce sentiment de détresse, à lever la main dans notre salon, à dire « Oui! » à la question de Lenoir : « Quoi, t’as pas le goût, toi, des fois de… ? T’sais, genre, on finit ça là ? » Mets-en. Et comme il y a déjà eu deux suicides dans ma famille (ce n’est pas un concours, mais la réalité), je comprends Hubert et ce sentiment. Guy A. Lepage le sait sans doute aussi, son frère s’étant enlevé la vie. Il en a maintes fois parlé.

Or un sentiment, aussi brutal puisse-t-il être, est habituellement passager. C’est un nuage sombre qui passe dans la météo humorale interne humaine. Et sur ce plateau, dimanche dernier, on aurait pu parler de ces sentiments houleux, de ces nuages noirs qui passent parfois, au lieu de nier la réalité, de la balayer du revers de la main, de la faire taire.

Mais Dieu (et Déesse) merci, Michel Courtemanche, lui, par sa présence et son témoignage touchant, dans toute sa vulnérabilité, a bel et bien montré que non seulement derrière ce brillant et talentueux comique se cachait en coulisse une sombre réalité, la souffrance d’un homme hanté par une tragique maladie qu’est la bipolarité, mais aussi qu’on peut certainement parler de santé physique, mentale et globale sans faire des jokes à tout prix.

Messages les plus consultés de ce blogue

Les fausses belles femmes

Après les Femmes poupées, femmes robotisées , voilà maintenant de fausses belles femmes dans un factice concours de beauté. Totalement artificielles, ces femmes, vous comprenez, ces différentes images ayant été générées par l’intelligence artificielle (IA) - (lire  Miss AI - Un podium de beauté artificielle ). Pour faire simple, il s’agit en réalité d’une vraie compétition toute féminine de la plus belle fausse femme créée par des hommes. Vous me suivez ? Non, on n’arrête pas le progrès. Ce sont majoritairement des hommes qui se cachent derrière la fabrication de ces images de fausses femmes. Des créateurs masculins qui passent sûrement d’innombrables heures devant un écran d’ordinateur à créer la femme idéale (ou de leurs rêves, allez savoir), à partir, on s’en doute, de leurs désirs, fantasmes, idéaux et propres standards de beauté – la beauté étant dans les yeux de celui qui regarde évidemment. Une beauté exclusivement physique, rappelons-le.  Même le jury est artificiel – ...

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre...

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit ...

« Femme Vie Liberté » Montréal 2024 (photos)

Deux ans après la mort de Mahsa Amini, décédée après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour le port « inapproprié » de son voile, le mouvement iranien « Femme Vie Liberté » se poursuit...  ----- Photos  : Sylvie Marchand, Montréal, 15 sept. 2024  À lire  :  Malgré la répression, de nombreuses Iraniennes ne portent pas de hijab ( La Presse , 14 sept. 2024)  Iran : deux ans après la mort de Mahsa Amini, la répression « a redoublé d’intensité » (Radio-Canada, 15 sept. 2024)

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle p...