À chaque fois, c’est pareil. À chaque manif, c’est la même chose. Les gens arrivent lentement, l’air inquiet, incrédule, un tantinet désorienté. « Cherchez-vous la manif, monsieur ? », demandais-je à l’homme au regard inquisiteur, en train de siroter un p’tit corsé dans les Jardins Gamelin. Consterné, il déclara tout de suite être « déçu du peu de gens présents ». « Ne vous inquiétez pas, monsieur. Dans quelques minutes, vous verrez, comme par magie, tout cela se mettra en branle. Ils sortiront de partout et de nulle part, et cette manif, soudainement, comme si de rien n’était, prendra forme. » « Hum... On verra si vous avez raison, mais permettez-moi d’en douter », répondit-il. « Bon, un autre défaitiste, crisse », pensais-je sans mot dire. Quand c’est rendu que même les gens qui participent à des manifs sont pessimistes, c’est que ça va mal à la shop de l’espoir et des grands changements à venir.
En attendant la synergie, du momentum, mais d’abord le départ officiel de cette troisième marche citoyenne La planète s’invite dans la campagne, j’ai piqué une jasette avec des femmes qui désiraient « comprendre » ma pancarte, des jeunes de 13-14 ans qui font du journalisme amateur sur YouTube - qui m’ont parlé du mode de scrutin et de la promesse non tenue de Justin Trudeau (ça m’a retapé l’espoir dans le temps de le dire) -, et Marc, un homme de la génération X, qui, tout comme moi, se demande depuis quelque temps déjà : « Mais qu’attendent les Québécois-es pour monter sur leurs grands chevaux ? »
Et c’est justement avec la police montée sur de superbes chevaux noirs à nos côtés, que nous avons parlé de colère, d’indignation, de pouvoir citoyen, de son implication dans le Parti vert, de surconsommation, de décroissance, de propagande, de Fidel Castro, de l’essai Faire l’économie de la haine d’Alain Deneault, ainsi que des tâches que son ex-conjointe lui donnait à faire les weekends... Bref, pas besoin de vous dire qu’on n’a pas vu le temps passer. Ce fut, disons-le, un échange plutôt animé.
Le plus beau dans tout ça ? Des citoyens qui se rencontrent, qui se parlent tout simplement, face à face, sans téléphone, au centre-ville de Montréal, tous rassemblés pour une cause commune. Déjà, moi, j’appelle ça du merveilleux.
Et encore ce samedi, c’est arrivé. Ils se sont amenés par centaines, et même par milliers. Des gens, des vrais, se sont déplacés pour cet événement non partisan. Il y avait des jeunes, des moins jeunes et des « anciens jeunes » (comme aiment à dire mes amis p’tits vieux d’Hochelag’ – « On n’est pas vieux, on est des anciens jeunes ! »), des comédiennes aussi, des artistes, des personnalités publiques et des vedettes qui font des recettes à la télé. Et pourtant, là encore, pas un mot dans les médias traditionnels. Faut-il développer une théorie du complot ? ...
Samedi 15 septembre, nous étions apparemment 1500. Radio-Canada en a parlé.
Samedi 22 septembre, certains ont avancé des chiffres de 4000 à 5000 personnes... aucune idée. Or, merci au documentariste Mario Jean, vous pouvez visionner son superbe reportage, avec, pour trame, le manifeste « Nous voulons des coquelicots », lu par la comédienne Véronique Côté.
Samedi 29 septembre, on parlait de 7000 personnes. Là encore, je l'ignore. Mais j'y ai vu du grandiose à l’œuvre, en mouvement...
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« Son œil voit le grandiose dans chaque geste de résistance sur lequel il se pose, comme une lumière qui jaillit de l'ombre. Le merveilleux nous éblouit alors que nous pensions être morts pour de bon, abdiqués sous le poids des massues en béton armé d'indifférence. Et soudainement, nous nous levons, tout simplement, l'heure de l'éveil a sonné. » (Tiré du site MADOC, du même documentariste... à visiter.)Samedi 6 octobre, l’événement deviendra La Planète s’invite au Parlement.