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Le cadenas psycho-socio-économique


« Il n’y a pas de complot, ni de directives écrites, ni de liste noire. Il n’y a qu’une machine bien huilée où chacun sait très bien de quel côté son pain est beurré. Et chaque intellectuel québécois sait très bien, à moins d’être un naïf ou un parfait imbécile, qu’il ne doit pas aller trop loin. Le choix est simple. Travailler ou ne pas travailler. Manger ou ne pas manger. Il faut penser conforme, écrire conforme, filmer conforme, sinon…
(…)
» Chaque chercheur, en histoire par exemple, sait très bien quoi chercher, quoi ne pas chercher et quoi trouver, s’il veut grimper dans l’appareil universitaire et continuer à recevoir ses subventions, s’il veut survivre. Il se doit de ne pas mettre son nez dans la fosse septique qui nous tient d’histoire officielle. Il s’en tient au papotage historique. »

Pierre Falardeau, Un cadenas dans le cerveau (1997), dans Les bœufs sont lents mais la terre est patiente (Typo, 2009).

« J’aime mieux radoter et être dans la réalité que prétendument ne pas radoter et n’être pas dans la réalité. Je reste avec les laissés-pour-compte, c’est ma solidarité à moi. » – Gaston Miron (tiré du même texte)

***
Voilà ce que je fais depuis 2012, ma foi, je radote. Je crie dans le désert. Je hurle sans cesse, seule comme une dinde, une véritable forcenée, m'opposant férocement à l'américanisation de ma profession mise en place par le boys club des Grands Ballets canadiens de Montréal... Rien. Pas un seul petit doigt ne s'est levé depuis, au nom des femmes, de la souveraineté, de la solidarité, ou même juste de l'indépendance d'un mouvement comme de la pensée.

Pendant ce temps, les profiteurs continuent de profiter, les subventions vont là où l'on consent à vendre son âme au marketing et aux marketeux, le pouvoir se conjugue au masculin, les bouffons dansent grassement. C'est l'extraordinaire internationalisation d'une profession, laquelle, hier encore, n'existait pas au Québec et n'intéressait personne ni aucune institution. Je vous en passe un papier.

Les soi-disant féministes, les soi-disant progressistes, les soi-disant intellectuels, les soi-disant indépendantistes, impliqués de près comme de loin dans cette mascarade véreuse, tout comme dans leur silence, devraient définitivement aller se rhabiller.

Tant de gens à qui j'ai dû parler au cours des dernières années, ou juste envoyer un courriel ou un communiqué, portant tous de belles lettres après leur nom, des beaux titres évacués de leur sens profond, du maquillage encore et encore, du fardage superficiel à la con, supercherie pour accroître son pouvoir, ses titres, ses pseudo-fonctions, et évidemment, ses revenus et ses subventions. Beaucoup de parlage et de bla-bla, or, les bottines, elles, suivent rarement les babines.

Encore et encore, je continuerai à radoter, à contester, à protester, à manifester mon opposition à cette institution machiste et hypocrite, qui reçoit de surcroît des fonds publics. Du grand n'importe quoi, l'insignifiance à son meilleur, l'excellence en matière d'hypocrisie, de sexisme camouflé, d'instrumentalisation psycho-socio-économique des femmes.

Encore et encore, je vous le dis, les boys, je vous emmerde et vous emmerderai.

Fil de radotage...
Les gros sabots des Grands Ballets (mars 2013)
Sur quel pied danserez-vous? (août 2017)
Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff (sept 2017)
Faire bouger le monde. N'importe comment. (nov 2017)
Scandale culturel - dossier (fév 2018)
"Ode à la femme", mon oeil (mars 2018)
Sacrer au printemps... (mars 2018)
Action directe - Journée internationale de la danse (avril 2018)
Un article dans Le Devoir (mai 2018) ... oh wow
Avez-vous dit l'hypocrisie des Grands Ballets? (mai 2018)
Se radicaliser lentement (août 2018)

Et le silence oppressant qu'on apprécie tant au Québec se poursuit depuis...

***
« Quiconque défie l'orthodoxie en place se voit réduit au silence avec une surprenante efficacité. Une opinion qui va à l'encontre de la mode du moment aura le plus grand mal à se faire entendre, que ce soit dans la presse populaire ou dans les périodiques destinés aux intellectuels. » - George Orwell

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Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

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