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La dégradation de la Grande Bibliothèque (2)


En juin 2023, j’écrivais que Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est sans aucun doute l’une des plus grandes réalisations au Québec des dernières décennies (La Presse, 14 juin 2023). Mais depuis quelques années maintenant, ce haut lieu du savoir et de la culture québécoise se dégrade malheureusement sous nos yeux, notamment en raison du bruit immonde, du vacarme épouvantable qui y règne généralement. Trop souvent, on a l’impression de se trouver au beau milieu d’un immense centre commercial où tout le monde s’agite en parlant très fort sur leur portable. Déplorable. 

N’empêche. Dépêchez-vous d’y aller, chers concitoyens, surtout si vous n’y avez encore jamais mis les pieds. Empressez-vous d’aller voir ce qu’il reste de ce joyau architectural avant qu’il ne soit trop tard et complètement défiguré. Car, bientôt, comme vous le savez sans doute, le soi-disant « terrain vacant » situé juste à côté de la Grande Bibliothèque accueillera « un énorme poste de transformation électrique de 315 000 volts, un édifice industriel massif, élevé [etdangereux »

Par la même occasion, dépêchez-vous aussi de découvrir un espace méconnu du grand public : le jardin de la Grande Bibliothèque.  

Un jardin dans le Quartier latin

Il y a bel et bien un coin de jardin, un espace vert (blanc ces jours-ci) à deux pas de la station Berri-UQAM. Mais pas pour très longtemps. Cet espace vert sera détruit par la construction d’un poste de transformation électrique. 

Durant la belle saison, les citoyens peuvent profiter de ce jardin, y marcher, s’asseoir, lire, manger ; il y a des bancs et des tables. Dans ce vaste espace vert aménagé, on peut également découvrir des fleurs, des plantes, des herbes de toutes sortes, autour d’une immense statue érigée en l’honneur de l’écrivain Dany Laferrière. On peut aussi méditer sur la vie et respirer un peu d’air frais – enfin, vous comprenez ce que je veux dire.


Durant l’été, diverses activités y sont également offertes, « L’heure du conte » en plein air pour les enfants et divers projets d’agriculture urbaine et d’insertion sociale, comme des « ateliers d'agriculture dans le Jardin ». Ainsi, entre deux lectures, des devoirs ou des recherches à la bibliothèque, les usagers de BAnQ peuvent profiter de cet espace vert pour s’aérer l’esprit, grignoter et se reposer. Et la question demeure : combien vaut un jardin accessible à tous les citoyens et visiteurs, en plein centre-ville de Montréal, au cœur même du Quartier latin ? Ça vaut cher, très cher !, affirmeraient plusieurs. 

Fini, le jardin ! 

Alors, faites vite ! Car bientôt, ce fameux « espace vacant » dont tout le monde parle, qui constitue en réalité un espace vert et rafraîchissant l’été, ne sera plus. Bientôt, ce coin de nature en plein centre-ville de Montréal ne sera plus qu’un vague souvenir, remplacé, durant cette supposée « transition énergétique verte », par une énorme et affreuse verrue urbaine au beau milieu d’un quartier central, un poste de transformation électrique. 

Et lorsqu’il débutera, ce grand chantier de construction sera une autre preuve irréfutable, une autre démonstration de la dégradation constante et continue de la Grande Bibliothèque ou, plus exactement, Bibliothèque et Archives nationales du Québec au grand complet. 

Une « démission collective », vous dites ? Et comment ! Le manque de vision des petits gestionnaires à la semaine vient toujours, inévitablement, avec la destruction sauvage et grotesque du peu de nature, d’espace vert et de beauté qui subsiste à proximité, déjà rarissime dans ce quartier mal aimé. 
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Photo : Sylvie Marchand, La Grande Bibliothèque, jan. 2025 ; et capture d’écran site BAnQ.

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