Pour clôturer leur saison 2022-2023 en grand, les Grands Ballets canadiens de Montréal nous proposent un autre classique insupportable, sexiste et passé date, un « ballet classique chatoyant », un « spectacle magique pour toute la famille », Cendrillon. Ben voyons donc.
Il existe maintes versions de ce conte très ancien, inspirant différents films, ballets, pantomimes et opéras. Plusieurs œuvres chorégraphiques ont vu le jour durant les périodes préromantique et romantique du XIXe siècle, il y a de cela plus de 200 ans. Et le ballet Cendrillon qui s’inscrivit au répertoire classique, sur la musique de Sergueï Prokofiev, est lui aussi basé sur le conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du XVIIe siècle et repris par les frères Grimm au XIXe siècle. Déjà, ça part mal.
Bien connu du grand public, le récit met en scène une orpheline, petite « chatte des cendres » qui, grâce à ce mariage avec un prince charmant, parvient enfin à se sortir de la misère, tant affective que financière, s’élevant ainsi des cendres jusqu’au royaume. Similairement à La Belle au bois dormant (embrassée durant son sommeil, et donc, inconsciente), Cendrillon est elle aussi passive dans cette histoire et n’acquiert de valeur sociale que celle que le prince lui confère en la choisissant parmi toutes les prétendantes.
Alors qu’on crie incessamment au génie dans l’univers de la danse classique chaque fois qu’un ballet romantique sexiste et désuet est revisité – par le truchement d’une chorégraphe invitée pour mieux faire avaler la pilule –, on pose néanmoins la question : pourquoi ?
Pourquoi, diantre, au XXIe siècle déjà bien entamé, continue-t-on de monter des œuvres anciennes et surannées, mettant en scène des héroïnes révolues, loin, très loin de la réalité des femmes d’aujourd’hui ? Par « pure tradition du conte de fées [ayant] traversé les siècles » derniers ?
Pourquoi ne pas créer de nouveaux ballets tout simplement, ancrés dans notre siècle et notre réalité ? N’êtes-vous pas des créateurs, justement, des artistes de grands talents ?
Pendant qu’un peu partout à travers le monde, on remet en question et à juste titre la monarchie britannique ainsi que le roi Charles lui-même (« Not My King! »), dans le monde féerique et sexiste à souhait du ballet classique, en revanche, comme dans celui des contes de fées, on continue de raconter les mêmes histoires démodées, perpétuant ce mythe absolu que, pour exister et se réaliser pleinement, les femmes doivent forcément trouver chaussure à leur pied et dénicher un prince charmant.
S’il veut toutefois survivre comme art de la scène, voire conquérir un nouveau public, le merveilleux monde du ballet classique devrait lui aussi arriver en ville et entrer avec nous au XXIe siècle, en se délestant de quelques œuvres sexistes du répertoire classique, comme Giselle (1841), Le Lac des cygnes (1877), La Belle au Bois dormant (1890), ou encore Cendrillon (1813, 1945). Mais pour l’audace, l’innovation et l’évolution en ballet classique, repassez dans deux siècles et sur la pointe des pieds s’il vous plait.
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Pour en finir avec Cendrillon (le film ; sept. 2017)
Image : capture d'écran du site des Grands Ballets canadiens de Montréal