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Le défi


Plus moyen de vivre en paix sans que quelqu’un, quelque part, vous parle de défis. Il faudrait sans cesse repousser ses propres limites, relever des défis, pire, se donner soi-même des défis : « Je me donne des défis pour m’améliorer comme personne. » Misère. 

Parcourir le désert à pied ou en jeep, gravir une montagne en gang, nager avec des requins en pleine mer, traverser l’océan en solitaire. Êtes-vous malades ? 

Après la « haute performance », la productivité et la rentabilité des dernières décennies, on est maintenant à l’ère des super performances. Qui veut compléter un « simple » marathon quand on peut s’adonner à l’ultra-marathon. Tout un loisir. 

Ce n’est pas seulement la recherche constante de la perfection qui anime cette obsession, il faudrait s’améliorer comme personne, être « plus », comme apprendre une sixième langue, par exemple. Fuck le monde ordinaire (Être ordinaire). 

Vous avez besoin de relever des défis, les amis ? Essayez la vie. 

Essayez de passer à travers la journée sans insulter personne, sans klaxonner au moindre ralentissement à la lumière verte – « Avance, tabarnak! » –, sans traiter l’autre de con, de crétin, d’imbécile heureux, d’analphabète. 

Essayez de vous taire quand ça ne fait pas votre affaire, de privilégier le silence avant votre petite opinion sans importance. 

Essayez de vivre votre vie sans violenter une femme, sans traumatiser un enfant, sans voler votre voisin, sans crosser votre prochain. 

Essayez la non-violence de propos, partout, en tout temps, en personne comme sur les réseaux sociaux. 

Essayez l’authenticité au lieu de ces photos arrangées avec le gars des vues pour exhiber cette vie supposément parfaite remplie de bonheur préfabriqué pour les égouts sociaux. 

Essayez d’éteindre vos appareils de « communication » qui vous servent en réalité d'armes de destruction massive du tissu social par le déversement continu de votre fiel intérieur.

Essayez l’écoute de l’autre, tiens, sans poursuivre immédiatement par « Oui mais moi… », mieux encore, pratiquez l’écoute active. 

Apprenez c’est quoi, au juste, l’écoute active. 

Apprenez à dire bonjour, s'il vous plaît, merci.

Essayez l’humilité, la modestie, la tempérance, l’ouverture d’esprit. 

Essayez de ne pas vous regarder la face chaque fois que vous apercevez le reflet de votre joli minois quelque part. C’est vraiment insupportable à voir. 

Lâchez votre petit nombril narcissique, votre minuscule bulle « moi, moi, moi » pour vous intéresser enfin à d’autres réalités que la vôtre. 

Cessez vos monologues nombrilistes qui se terminent par « c’est mon post de la journée » avant de tourner le dos à votre interlocutrice quand vous parlez à une personne en chair et en os. On n’est pas sur votre page Facebook, simonac !

Vous avez besoin de valeureux défis dans la vie ? Essayez de rester zen une journée entière tout en prenant le bus, le métro et en allant travailler dans une job ben ordinaire – pas en télétravail là, bande de chanceux – pis de rester calme, de respirer par le nez, sans pogner les nerfs à la moindre petite affaire. Ça, les amis, c’est de l’ultra performance à la portée de tous. Pas besoin d’aller virer bien loin. Je vous mets au défi.

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Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Femmes consommables

Elles ne datent pas d’hier, ces maudites pubs à marde. Mais lorsque j’ai aperçu celle-ci, au début de l’été, cette gigantesque publicité de bières au métro McGill, j’ai pensé, comme une vraie hurluberlue habitant toujours la planète Utopie  : «  Pfft ! Ça ne passera jamais ! Dans l’temps de l’dire, ces affiches seront recouvertes de collants "pub sexiste" que les féministes apposent ici et là, au centre-ville de Montréal. Check ben ça… ! » Je suis repassée maintes fois devant depuis, jamais vu un seul collant, sapristi. Neuf femmes consommables, mesdames et messieurs – neuf ! un vrai harem –, bien fraîches évidemment, et de préférence « à prendre » sur le bord d’un lac quelque part pendant vos vacances : la Brise du lac , la Ci-boire , la Matante , la Désirée , la Chipie , la Valkyrie , la Joufflue , la Belle Mer – quelqu’un devrait définitivement aller consulter –, ou encore la Nuit blanche – j’imagine que, comme Brise du lac , elle aussi n’est que de passage… I

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en