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Le faux discours féministe du «libre choix» sexiste


Heureusement que nous avons encore des femmes et des hommes féministes au Québec qui, à l’instar du chroniqueur Jean-François Lisée, sont capables de distinguer le vrai du faux, le bon grain féministe de l’ivraie sexiste. (Lire L’étrange impotence du patriarcat musulman) 

Ce débat n’est pas nouveau. Au sein des féministes existe depuis longtemps cette division, tout un courant de pensée s’appuyant sur le « libre choix » des femmes, la liberté des femmes de choisir. En apparence féministe, cette vision semble tout à fait pertinente, accordant le pouvoir aux femmes, les laissant libres de choisir ce qui est bon ou valable pour elles. 

Or qu’en est-il lorsque ce choix est fondamentalement sexiste ? 

Le libre choix sexiste 

Le féminisme, par définition, vise l’émancipation des femmes, de toutes les femmes, afin d’atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes. Les femmes devraient ainsi avoir les mêmes droits et privilèges que les hommes, et ce, dans toutes les sphères de la société. 

Comme femme adulte et libre, en revanche, je pourrais très bien choisir, consciemment ou non, de me soumettre totalement à un homme, à un gourou ou à un dieu. Je suis libre d’être la subalterne d’un homme, de vivre sous sa tutelle comme sous sa domination. Ce serait là mon « libre choix », certes, mais cela ne ferait certainement pas de moi une féministe. 

Similairement, on peut très bien « choisir », consciemment ou inconsciemment, d’être soumise ou inférieure aux hommes en adoptant des comportements appris et intégrés depuis l’enfance qui ostracisent néanmoins, voire infériorisent les femmes. Ce choix est peut-être libre, mais il n’est pas féministe pour autant. 

Cachez ce corps féminin 

En utilisant un symbole visible comme le voile islamique, la religion musulmane stigmatise les femmes. Dans plusieurs régimes islamiques, d’ailleurs, ce vêtement sert d’instrument d’oppression et d’enfermement des femmes – une prison appelée burqa en Afghanistan, un maghnaeh ou un tchador en Iran. 

Essentiellement, un voile islamique (hidjab, maghnaeh, abaya, niqab, tchador, burqa, etc.) sert à dissimuler le corps féminin. Ce vêtement religieux signale au reste du monde l’infériorité du sexe féminin par rapport au sexe masculin. Un corps « honteux » qu’il faut couvrir, occulter à tout prix. Cachez ces cheveux, ce cou, cette nuque, ces oreilles, voire ce corps en entier jusqu’aux chevilles et aux poignets que les hommes ne sauraient voir sans provoquer en eux de tumultueuses et perverses « excitations ». Dans cette perspective moyenâgeuse, les femmes seraient donc responsables du regard concupiscent des hommes, de leurs pensées, de leurs réactions, tant viscérales que comportementales. 

En portant le voile, une femme accepte non seulement son prétendu devoir de « modestie » – auquel, comme le souligne pertinemment le chroniqueur du Devoir, les hommes ne sont pas contraints –, mais confirme également aux yeux de tous son statut d’infériorité par rapport aux hommes à l’intérieur d’un système religieux patriarcal. Or, le féminisme ne sert-il pas, précisément, à contrer ce patriarcat, à mettre fin à cette domination des hommes sur les femmes ? Car même porté « par choix », la fonction première de ce vêtement demeure essentiellement sexiste. 

Les féministes occidentales et l’aveuglement multiculturaliste 

Mais malheureusement, en Occident, plusieurs féministes ont mordu à l’hameçon du discours multiculturaliste qui réduit erronément les religions, franchement patriarcales, à de simples et banales « différences culturelles » que l’on devrait au contraire célébrer – d’où l’invention d’un autre mot à la mode, « islamophobie ». Quelle folie. 

Au nom de ce pernicieux multiculturalisme et des libertés individuelles, le mouvement féministe s’est ainsi scindé en deux camps, perdant de vue son objectif premier : combattre le sexisme et les inégalités entre les hommes et les femmes. Combattre le patriarcat, toutes les formes de patriarcat afin d’émanciper les femmes, toutes les femmes. 

Maintenant, que vous choisissiez, comme femme, la soumission, l’infériorité, la stigmatisation ou encore une position de subalterne, c’est votre affaire, votre prérogative et je dirais même votre problème. En revanche, je ne souhaite aucunement que vous me représentiez au sein de l’État, ni comme première ministre, ni comme ministre, ni comme députée, comme élue ou employée de l’État, ni même comme directrice d’un organisme féministe. 

En somme, être libre de choisir ne suffit pas, comme condition, pour être féministe, ni ne garantit que ce choix sera ultimement féministe. Lorsque le « libre choix » devient la possibilité de s’inférioriser, de se stigmatiser, de se soumettre, ce n’est simplement pas un choix féministe. Lorsque « la liberté devient la liberté de s’aliéner » (dixit l’écrivaine française d’origine iranienne, Chahdortt Djavann), ce n’est plus du féminisme. Même libre, un choix sexiste n’est tout simplement pas féministe. Point à la ligne. 

*** 

« L’identité devient l’identité religieuse (on l’appelle "culture", pour la mettre à la mode). Sous couvert de parler le langage de la modération et de l’équilibre ("Laissez s’exprimer les différences"), ils essaient de donner des couleurs désirables, naturelles, modernes aux formes antiques de l’aliénation et de l’exclusion. » 

– Chahdortt Djavann, Bas les voiles ! (Gallimard, 2003)


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