Avant même que le « comité de sages » sur l’identité de genre se prononce « [l]es personnes s’identifiant comme non binaires pourront désormais demander que leur permis de conduire et leur carte d’assurance maladie soient marqués du sigle "X"… ». À quoi sert ce comité, alors ?
« Mais d’abord : qu’est-ce qu’une femme? », demandait pertinemment la grande Simone de Beauvoir dans son ouvrage phare, publié il y a 75 ans cette année, Le Deuxième sexe (1949). « "Tota mulier in utero : c’est une matrice", dit l’un », répondait-elle, citant ici Hippocrate, le père de la médecine occidentale. Et c’est ainsi, d’ailleurs, que la science différencia le sexe féminin du sexe masculin, par leur anatomie, leur physiologie, bref, par la biologie.
« Tout le monde s’accorde à reconnaître qu’il y a dans l’espèce humaine des femelles ; elles constituent aujourd’hui comme autrefois à peu près la moitié de l’humanité… », poursuit la célèbre auteure et mère symbolique de nombreuses féministes.
Pendant plus de deux millénaires, les femmes furent définies, voire réduites à leur corps, à leur physiologie, plus particulièrement à cet organe utérin, cet « animal dans un animal », siège de nombreux maux, désordres, troubles et maladies – exclusivement féminins, cela va sans dire –, entre autres, l’« hystérie », une maladie fabriquée par des hommes des sciences afin de pathologiser les comportements féminins jugés « indésirables ».
Et en raison de cette « fureur utérine » qui ravageait leur intérieur, les femmes furent pendant des siècles considérées comme des êtres parfaitement secondaires. « La femme », ce « deuxième sexe », n’était rien d’autre qu’un « homme manqué », « un être occasionnel » et frivole, une créature dépourvue d’intelligence et de facultés cognitives propres à l’homme, et donc, incapable de penser. « La femme a des ovaires, un utérus ; voilà des conditions singulières qui l’enferment dans sa subjectivité ; on dit volontiers qu’elle pense avec ses glandes », ajoute plus loin la philosophe française.
Or voilà qu’au nom du ressenti d’une infime minorité non-genrée, on va maintenant balayer la science, éliminer la biologie et, par conséquent, mettre en péril beaucoup d’acquis des femmes. Alors que la révolution féministe elle-même n’est même pas terminée, alors que l’égalité des femmes et des hommes n’a toujours pas été atteinte dans bon nombre de sociétés, alors que les femmes sont encore trop souvent considérées comme de simples objets sexuels utilisables et interchangeables, ne servant qu’à la procréation dans ce monde patriarcal, alors que la misogynie se décomplexe un peu plus chaque jour qui passe, voilà qu’on veut effacer la réalité biologique pour une minorité dans une minorité.
Cette soi-disant « révolution des genres » se fera, encore une fois, au détriment des droits, des acquis et de la sécurité des femmes, de toutes les femmes, que ce soit dans les sports, dans les prisons, comme dans nombreuses sphères de la société.
Bientôt, nous ne formerons plus le « deuxième sexe » décrit au XXe siècle par de Beauvoir, mais bien le « sexe disparu » au XXIe siècle, de simples « personnes avec un utérus », sous-payées, exploitées, avec encore moins de pouvoir qu’auparavant, alors que les « femelles » représentent toujours plus de la moitié de la population planétaire.
Cette éradication des sexes biologiques se fera au détriment des quelques acquis des femmes qui ont mis des siècles à les obtenir. Et encore une fois, dans l’histoire du monde, ce sont les femmes qui en payeront le prix.
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« La femme a toujours été, sinon l'esclave de l'homme, du moins sa vassale ; les deux sexes ne se sont jamais partagé le monde à égalité ; et aujourd'hui encore, bien que sa condition soit en train d'évoluer, la femme est lourdement handicapée. En presque aucun pays son statut légal n’est identique à celui de l’homme et souvent il la désavantage considérablement. »
- Simone de Beauvoir (1908-1986)