Passer au contenu principal

Leçon guerrière (4)


Souvent, trop souvent même, j’ai à faire et fais affaire avec le « 6% ». Vous savez, ce très faible pourcentage de la population québécoise qui n’a pas eu droit à l’aide gouvernementale (électoraliste et inflationniste) de M. Legault pour faire face à l’inflation ? 

Petit rappel : En janvier 2022, « 3,3 millions de Québécois ont reçu un chèque de 200 $ à 275 $... justement pour combattre l’inflation. Seuls les gens admissibles au crédit d’impôt solidarité l’ont obtenu, et la mesure a coûté 740 millions de dollars à l’État québécois. Annoncée dans la mise à jour économique de novembre dernier, elle touchait les personnes seules ayant un revenu annuel de 50 645 $ au maximum ou les ménages qui déclarent un revenu annuel maximal de 55 519 $. » (Lire Combat contre l’inflation: un 2e chèque de Québec en mars? Journal de Montréal, 26 fév. 2022) 

En mars dernier, toutefois, le gouvernement Legault a « donn[é] 500 $ à 6,4 millions de personnes, soit 94 % des adultes du Québec » (Lire Crédit de 500 $ : un remède inflationniste?, RDI, 25 mars 2022). 

Le reste de la population, donc, c’est le 6%. Autrement dit, je fréquente des riches, ces belles personnes qui ont des revenus (pas mal) supérieurs à 104 000$ par année… 

Dernièrement, l’un de ces beaux et fabuleux couples riches m’a offert un cadeau spécial – ou peut-être était-ce un « avantage social » ou ce qu’on appelle le « trickle-down effect » ? Je l’ignore. Quoi qu'il en soit, ce ruissellement de richesse m'a permis d'avoir un accès privilégié à leur demeure pendant plusieurs jours, profitant grassement de leur superbe maison : immense condo, beaucoup, beaucoup d’espace, grosse terrasse, wifi ultra rapide et efficace, etc. La grosse vie sale, quoi. 

Pendant ce bref séjour chez les gentils nantis, des sociaux-démocrates qui partagent généreusement leur richesse avec les pauvres et, dans leur cas à eux, de véritables humanistes, j’étais vraiment zen. Enfin presque. Je ne cherchais pas à faire la guerre à personne. Je voulais tout simplement rester tranquille, lire, écrire, farniente. Et c’est ce que j’ai fait pendant des heures et des heures. Le bonheur. 

Une fois de retour dans mon trou d’Hochelag’ cependant – beaucoup moins d’espace, clairement moins de confort, buanderie commune (« Ah tabar…! »), etc. –, après quelques minutes à peine, ça y était, j’étais de nouveau prête à faire la guerre. 

L’inconfort pour la différence 

L’inconfort est-il nécessaire pour faire la guerre ? Évidemment. Qui veut faire la révolution quand tout va bien ? Personne ! 

Qui veut manifester dans la rue, protester, ou même juste s’indigner et se lever debout quand on baigne dans le confort ? Personne, je vous dis. Nobody. Nadie. Le confort marche main dans la main avec l’indifférence. (Merci Denys Arcand.) 

Si on ne manque de rien, que tout va bien et qu’on est ultraconfortable, pourquoi alors se lèverait-on de notre sofa ultra-moelleux ? C’est précisément ça, la satisfaction – un « état affectif fait de plaisir et de soulagement, éprouvé par celui qui a obtenu ce qu'il souhaitait. Synonymes : contentement, joie, plaisir. » En d'autres mots, vos besoins sont comblés. 

À l’inverse, si vous souhaitez faire la révolution, ou même juste apporter des changements, vous avez besoin d’un ingrédient essentiel : la colère. 

Émotion primaire et universelle, la colère émane infailliblement d’un sentiment de frustration, provoqué par un affront, une injustice, une insatisfaction ou un manque réel et profond. « Vive émotion de l’âme », la colère se traduit par une « violente réaction physique et psychique » qui prend généralement la forme d’une action

Alors donc, chers amis, si vous désirez ardemment faire la guerre ou mener de front un combat, voire une révolution, rien de plus simple : cultivez l’inconfort et l’insatisfaction. 

*** 

« La force des convictions se mesure au prix qu’on paie pour les défendre. » – Paul Journet, La Presse

Messages les plus consultés de ce blogue

Mobilité vs mobilisation

On aime parler de mobilité depuis quelques années. Ce mot est sur toutes les lèvres. C’est le nouveau terme à la mode. Tout le monde désire être mobile, se mouvoir, se déplacer, dans son espace intime autant que possible, c’est-à-dire seul dans son char, ou encore dans sa bulle hermétique dans les transports collectifs, avec ses écouteurs sur la tête, sa tablette, son livre, son cell, des gadgets, alouette. On veut tous être mobile, être libre, parcourir le monde, voyager, se déplacer comme bon nous semble. On aime tellement l’idée de la mobilité depuis quelque temps, qu’on a même, à Montréal, la mairesse de la mobilité, Valérie Plante. On affectionne également les voitures, les annonces de chars, de gros camions Ford et les autres - vous savez, celles avec des voix masculines bien viriles en background - qui nous promettent de belles escapades hors de la ville, voire la liberté absolue, l’évasion somme toute, loin de nos prisons individuelles. Dans l’une de ces trop nombre

Je me souviens... de Ludmilla Chiriaeff

(photo: Harry Palmer) La compagnie de danse classique, les Grands Ballets canadiens, a été fondée par une femme exceptionnelle qui a grandement contribué à la culture québécoise, Ludmilla Chiriaeff (1924-1996), surnommée Madame. Rien de moins. Femme, immigrante, visionnaire Née en 1924 de parents russes à Riga, en Lettonie indépendante, Ludmilla Otsup-Grony quitte l’Allemagne en 1946 pour s’installer en Suisse, où elle fonde Les Ballets du Théâtre des Arts à Genève et épouse l’artiste Alexis Chiriaeff. En janvier 1952, enceinte de huit mois, elle s’installe à Montréal avec son mari et leurs deux enfants – elle en aura deux autres dans sa nouvelle patrie. Mère, danseuse, chorégraphe, enseignante, femme de tête et d’action, les deux pieds fermement ancrés dans cette terre d’accueil qu’elle adopte sur-le-champ, Ludmilla Chiriaeff est particulièrement déterminée à mettre en mouvement sa vision et développer par là même la danse professionnelle au Québec : « Elle portait en

Pour en finir avec Cendrillon

Il existe de nombreuses versions de « Cendrillon, ou, la Petite Pantoufle de verre », comme Aschenputtel,  ou encore « Chatte des cendres »... passons. Mais celle connue en Amérique, voire dans tous les pays américanisés, et donc édulcorée à la Walt Disney, est inspirée du conte de Charles Perrault (1628-1703), tradition orale jetée sur papier à la fin du 17 e  siècle. D'ores et déjà, ça commence mal. En 2015, les studios Walt Disney ont d'ailleurs repris leur grand succès du film d'animation de 1950, en présentant  Cinderella  en chair et en os, film fantastique (voire romantico-fantasmagorique) réalisé par Kenneth Branagh, avec l'excellente Cate Blanchett dans le rôle de la marâtre, Madame Trémaine ( "très" main , en anglais), généralement vêtue d'un vert incisif l'enveloppant d'une cruelle jalousie, Lily James, interprétant Ella (elle) dit Cendrillon (car Ella dort dans les cendres, d'où le mesquin surnom), Richard Madden, appelé Kit