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« Libérer » l’animal en soi

 

Pour vendre de la bière, c’est ben simple, ça prend soit des femmes, soit une grosse vedette, soit un animal. 

Archibald microbrasserie, lui, a misé sur l’image (et la chevelure) des femmes (blondes, rousses, brunettes, etc.) pour mousser ses ventes de bières de mononcle « séducteur » – (lire Femmes consommables). 

D’autres, eux, comme les brasseurs de chez Boréale, ont plutôt opté pour l’animal. Leur logo ? Un gros ours polaire. Il faut donc « libérer » l’animal en nous, l’ours polaire qui sommeille en nous tous.

L’ours en toi 

La pub qu’on peut apercevoir un peu partout, ces temps-ci, placardée dans le métro de Montréal ? « Libère l’ours en toi » (voir photo). 

Et « libérer l’ours » en soi, ça veut dire quoi ? Fondamentalement, cela signifie qu’il faut libérer nos pulsions les plus profondes, notre instinct animal. Mettre de côté la raison, les justifications, la pensée rationnelle, quoi, afin de laisser libre cours à notre animal intérieur. 

Pour ce faire, il faut d’abord sortir de la maison, de ce joli cocon sécuritaire, désinfecté et confortable comme tout, s’extirper des chaînes du quotidien et de son train-train, somme toute, s’évader de sa cage. 

Une fois l'évasion accomplie, il faut ensuite renouer avec la nature – et donc notre vraie nature, intrinsèquement animale –, aller jouer dehors, à l’extérieur, dans le bois comme dans les montagnes, faire un feu de camp, et, boire de la bière évidemment. 

Ça tombe drôlement bien, l’alcool a justement un effet désinhibant sur les comportements. Ça permet ainsi de se lâcher enfin lousse, de libérer nos vraies pulsions, de retrouver nos « bas instincts », se reconnecter avec notre « cerveau animal » (lire reptilien), notre véritable nature primale, pour finalement, se comporter « comme un animal », pire, un simple être humain ivre, soûl comme un cochon. 

Même sur leur site internet, Boréal nous montre des belles images de jeunes gens actifs et sportifs, qui font du ski, s’amusent au grand air, malgré ce froid boréal, comme des ours polaires. Maudit qu'ils ont l'air d'avoir du plaisir, ces gens, dehors, au grand air.

Leur campagne publicitaire s’adresse principalement, dans ce cas-ci, aux gens actifs, aux sportifs de fin de semaine, aux oiseaux urbains qui ont besoin de sortir de la ville, de se libérer des chaines du travail comme de leurs conditions de vie "exécrables".

Le pouvoir d’attraction des animaux dans le marketing n’a absolument rien de nouveau. On utilise cette tactique de « l’animal en nous » depuis des années, peut-être même décennies, pour nous vendre toutes sortes de cossins, de concepts, d’ambiance, de produits, ou encore un 5 à 7 de style « Meat Market » (Lire Animal social et publicité, 8 déc. 2014). 

Autrement dit, connecter avec l’animal en nous, permet, entre autres choses, de libérer les pulsions, sexuelles comme de surconsommation. 

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Photo : Sylvie Marchand, « Libère l’ours en toi », pub de bière Boréale, métro de Montréal, 8 déc. 2021.

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