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«Loto-Méno»: Véro, la ménopause et l’autre tabou


Je ne suis pas une fan de Véro, tant s’en faut. Les shows de variété, ce n’est pas ma tasse de thé, et l’animatrice chouchou du grand public, obnubilée par sa propre image, n’a jamais fait vibrer la moindre corde sensible en moi. J’ignorais donc que Véronique Cloutier parle de ménopause et de périménopause depuis des mois, et même des années, sur les tribunes qui lui sont offertes, de même qu’à son émission de radio. 

Car Véronique Cloutier n’est pas seulement une richissime personnalité publique, une animatrice de télévision fort populaire au Québec, la reine de Radio-Canada avec sa propre plateforme Extra, c’est aussi une femme. Et aujourd’hui âgée de 46 ans, Véro parle de sa propre expérience (tumultueuse ma foi), de cette désorganisation hormonale qu’est la préménopause, et c’est tant mieux. 

Dès les premières images de Loto-Méno, l’animatrice tente d'établir un lien avec le monde ordinaire, afin de nous montrer qu’elle est elle aussi une femme comme toutes les autres. On la voit donc promener son chien (dans un chic quartier cossu en passant – « C’est où, ces grosses maisons-là, viarge ! »), plier du linge pis des vêtements dans son salon, et casser des œufs dans sa belle cuisinette qu’elle bat ensuite férocement pour faire une omelette. Attention tout le monde, ça va brasser. Soyez avisés, Véro va parler d’ovaires, d’hormones, de sang, de menstruations. Ataboy. 

Oubliez les thèmes superficiels à souhait, on entre dans le vif d’un sujet profond et complexe ; les organes féminins, la sécheresse vaginale – y a-t-il plus profond qu’une « fissure vaginale » ? –, et le rôle crucial de ces puissants messagers chimiques du corps humain que sont les hormones. Bon, enfin. Faut croire que Véro ni personne dans son équipe n’écoutaient Oprah… 

On apprend néanmoins certaines choses, tout au long de ces trois épisodes, la santé féminine étant encore aujourd’hui, au XXIe siècle, un sujet extrêmement tabou (Utérus et santé utérine). Même la médecine occidentale demeure biaisée, a peu évolué, la recherche médicale portant trop souvent sur les hommes, négligeant ainsi la santé des femmes. 

De manière générale, les femmes ne sont pas écoutées, entendues, considérées, concernant leurs différents symptômes, bref, très peu de choses ont changé. 

Toutes les options d’hormonothérapie féminine ne sont pas non plus couvertes par la RAMQ mais la testostérone, elle, oui. Encore et toujours la norme-testostérone… 

Malgré ses bonnes intentions, Véronique Cloutier n’est ni une scientifique, ni une médecin, ni une journaliste. Alors que ces trois épisodes auraient pu être truffés d’informations et devenir beaucoup plus féministes et socio-politiques, Véro revient à ce qu’elle connait le mieux : elle-même, son conjoint et ses enfants qui apparaissent évidemment à l’écran. Gros malaise. Je n’ai jamais compris pourquoi des gens exposent au grand jour leur vie intime, familiale, sentimentale ou sexuelle devant des caméras, au lieu de s’en tenir au sujet de manière objective. Or même ménopausée, Véro aime et expose toujours Véro. Même nombrilisme. 

Plusieurs diront que la populaire animatrice fait œuvre utile avec ce documentaire, utilise sa notoriété pour une cause publique, pose ainsi un geste politique pour toutes les femmes qui ont chaud. Bravo. Moi je dis qu’il était grand temps… 

Quand on entend la directrice de l’INESSS Sylvie Bouchard dire : « C’est sûr que si je reçois une lettre signée par Véronique Cloutier… », ce n’est vraiment pas rassurant. C’est même abominable pour la science, la rigueur scientifique. Apprendre que des femmes médecins, avec des années de recherche et d'expérience, n’ont pas plus de poids qu’une grosse vedette au Québec auprès de cette institution, c’est extrêmement inquiétant et terriblement insultant pour ces scientifiques. Petite culture misérable du vedettariat dans ce petit Québec. Pitoyable. 

Et tant qu’à y être, faudrait également s’attaquer à l’autre problème soulevé dans cette série documentaire, un autre sujet particulièrement tabou dans les médias : la peur d’être étiquetée « femme vieillissante ». 

Car pour trouver des femmes prêtes à témoigner de leurs expériences, ça prenait, entre autres, des femmes connues, des vedettes et des comédiennes. Or plusieurs d’entre elles ont refusé d’en parler à la télé : « Pour être franche, on a dû faire quelques appels et, généralement, les actrices n’étaient pas très enclines à parler de ménopause parce qu’elles craignaient d’être cataloguées comme femmes vieillissantes. » (Journal de Montréal, 19 juin 2021). 

Même « Marie-Soleil [Michon] a pris le temps d’y penser. Elle a hésité parce qu’elle avait peur qu’on lui appose une étiquette de femme vieillissante en télé. Elle avait peur de perdre des contrats. Mais elle a fini par accepter parce qu’elle n’avait pas envie de contribuer à entretenir le tabou. » 

Voilà une autre réalité cachée des femmes matures dont personne ne parle : le droit de vieillir des femmes. Presque tout aussi préoccupante que la ménopause, cette réalité devrait être abordée dans une autre série documentaire. Et là pourtant, je crois bien que plusieurs femmes du milieu de la télé préféreraient encore parler de bouffées de chaleur et de sécheresse vaginale.

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